A quelques jours de la rentrée des classes, le rapport consacré à l'école primaire et maternelle que vient de remettre le Haut Conseil de l'Education (HCE) a fait l'effet d'une bombe dans l'opinion, même si son contenu n'a guère surpris les observateurs spécialisés. Rappelons les deux principales conclusions de ce texte :
1) L'enseignement primaire n'est pas correctement assimilé par 40% des élèves, soit 300.000 enfants chaque année : 25% d'entre eux ont des "acquis fragiles et insuffisants en lecture, écriture et calcul", et 15% "n'ont pas la maîtrise des compétences de base dans ces domaines". Conséquence : ces lacunes rendent "difficiles" pour les premiers et "impossibles" pour les seconds "aussi bien un réel parcours scolaire de collège qu'une formation qualifiante".
2) L'école élémentaire "ne permet pas, en général, de réduire les difficultés repérées au début de la scolarité obligatoire". Un point relevé par Nicolas Sarkozy, qui s'est ému de ce que "le système ne parvienne pas à gommer les inégalités de départ".
Sur le premier point, peu ou pas de révélation, si ce n'est la proportion effarante d'élèves qui, dès le départ du cursus scolaire, ne s'y intègrent pas. Il fut tout-de-même un temps où presque tous les petits écoliers, y compris ceux issus des milieux les plus défavorisés, savaient lire, écrire et compter en sortant du primaire, même s'ils étaient moins nombreux qu'aujourd'hui à faire ultérieurement des études supérieures. Mais, entretemps, les "méthodes globales" et autres joyeusetés des IUFM sont passées par là...
Mais c'est le deuxième point qui mérite quelques éclaircissements. Quelles sont, en effet, ces "inégalités" que le système ne parvient plus à compenser ? S'agit-il exclusivement d'inégalités "sociales", comme le martèle sans répit la gauche politique et syndicale ? Mais, dans ce cas, comment se fait-il que ce qui était rattrapable hier par l'école ne le soit plus aujourd'hui ? Ou alors de nouveaux paramètres sont-ils intervenus ces dernières décennies, que le système scolaire n'arrive plus à "digérer" ?
Une réponse bien intéressante a été donnée mardi matin, "à l'insu de son plein gré", par un des membres du HCE, Christian Forestier, interrogé sur Europe 1. Au début de l'interview, cet homme de gauche (proche de Fabius, il fit partie des recteurs nommés par Mitterrand dès son élection en 1981, et fut de 2000 à 2002 directeur de cabinet de Jack Lang à l'Education nationale) nous sert un grand bol de pensée unique : notre école "s'est constamment améliorée", le primaire "reste une bonne école qui connait juste une panne", et les difficultés de certains "sont extraordinairement corrélées avec leur origine sociale".
Subitement, tout bascule. Le journaliste, Marc Tronchot, tout en reconnaissant que sa question "n'est pas politiquement correcte", la pose aussi clairement que courageusement : "Dans quelle mesure les enfants issus de l'immigration récente (...) pèsent-ils sur le constat que vous faites ?" Cueilli à froid et bien embarrassé, Christian Forestier ne peut que reconnaître les faits : "C'est une évidence. Il faudrait être de mauvaise foi pour le nier. Les 15% d'enfants qui sont en très grande difficulté, ils sont socialement très typés. Ce sont tous des enfants de pauvres et ce sont pour l'essentiel, effectivement, des gens issus de ce que vous appelez des minorités visibles. On peut ne pas le dire : comme vous dites, c'est politiquement très incorrect de dire ça. Mais l'échec lourd est socialement caractérisé, et même l'échec moyen. (...) Il y a une corrélation très forte entre le milieu social et l'origine."
Bien davantage que les "inégalités sociales", le problème de l'immigration et les conséquences de la politique suivie dans ce domaine depuis trente ou quarante ans sont donc au coeur de la crise actuelle de notre système scolaire. Dire cela, ce n'est pas stigmatiser qui que ce soit, et surtout pas ceux qui en sont davantage victimes que responsables. Mais c'est vouloir que les problèmes soient posés dans leur réalité, sans tabous ni langue de bois : car comment proposer de bons remèdes si l'on n'a pas d'abord établi un juste diagnostic ?
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