Finalement, l'émission politique vedette de TF1 aurait dû, hier soir, changer de titre. Au lieu de "J'ai une question à vous poser", la prestation de François Bayrou aurait pu s'intituler : "J'ai une réponse à vous donner". Une réponse, et une seule. Le président de l'UDF, sachant qu'il faut taper sur un clou pour l'enfoncer, va en effet martelant son leitmotiv : "Je veux gouverner avec la droite et la gauche". Le seul problème, et on l'a encore vu hier soir, c'est qu'il se garde bien de dire pour quoi faire, comment il le fera ni avec qui...
Rien de concret, en vrai, sur le programme, hormis la (bonne) idée des deux emplois nouveaux exonérés de charges pour les PME. Sinon, réaffirmation de quelques grands principes qui ne mangent pas de pain et qui sont partagés par (presque) tous : attention à la dette, priorité à l'éducation, à la recherche, au logement, à la santé... Pour ce qui est de la dette publique, François Bayrou affirme en faire grand cas, mais un examen précis du chiffrage de son programme permet d'avoir quelques doutes : sur les 21 milliards d'euros qu'il affirme pouvoir économiser pour financer son action, il inscrit froidement 5 milliards, soit près du quart, sou le chapitre "modernisation de l'Etat", sans préciser en quoi consistera cette modernisation, ni comment elle rapportera la somme prévue ! Quant à l'éducation, tout le monde aura remarqué son refus de tenir compte de la démographie scolaire en diminuant le nombre de professeurs, et surtout son vibrant hommage aux syndicats d'enseignants : quand on connaît l'action de blocage systématique de toute réforme menée par le patron de la FSU, Gérard Aschieri, il y a de quoi laisser pantois... Il est vrai que M. Bayrou, lorsqu'il fut ministre de l'Education, s'était contenté de cogérer le ministère avec lesdits syndicats, ce qui lui avait garanti de leur part une paix royale.
Rien non plus sur l'Europe, jadis thème favori des centristes. Pourtant, il y aurait de beaux desseins à proposer à l'Union européenne pour dépasser l'actuel blocage institutionnel. Elle pourrait jouer un rôle positif dans la protection commerciale du Vieux Continent face aux pays qui ne respectent pas les règles d'une concurrence loyale ; elle pourrait jeter les bases d'une grande politique nataliste européenne pour compenser - autrement que par l'immigration - son atonie démographique ; elle pourrait coordonner les politiques environnementales des états-membres, tant il est vrai que la pollution ne respecte pas les frontières.
Mais, de tout cela, M. Bayrou n'a cure. Une seule chose l'intéresse au fond : faire de la politique politicienne, naviguer entre la droite et la gauche, tenter de petites combines ou de grandes coalitions, à l'instar de son ami italien Romano Prodi, avec qui il siège dans le même groupe au Parlement européen et qui est en train de mener son pays dans l'impasse. Une conception de la vie politique que l'on a bien connue chez nous, avec ce que l'on appelait les "partis-charnières". C'était il y a soixante ans, cela s'appelait la Quatrième République, et ça s'est terminé de la façon que vous savez...
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