Ses proches redoutaient - et ses adversaires espéraient plus ou moins - l'effondrement de Ségolène Royal lundi soir sur TF1, ce qui explique probablement l'audience record de l'émission présentée par PPDA. Il faut bien dire "présentée" et non pas "animée", puisque le principe même de ce face-à-face entre les candidats et un panel de cent Français censément représentatifs de la population repose sur l'effacement des journalistes et des analystes au profit des "vrais gens". Un principe parfaitement démagogique, qui a sans nul doute bien servi l'autre soir la candidate socialiste en lui permettant de jouer son rôle favori, Notre-Dame de la Compassion, tout en lui évitant d'avoir à répondre à des questions précises sur les décisions qu'elle prendrait et la politique qu'elle suivrait dans les domaines qui sont précisément ceux du chef de l'Etat, domaines où l'on sait que sa compétence reste encore à démontrer...
Il fallut en effet attendre les dernières minutes de l'émission pour que des dossiers comme l'immigration, l'insécurité, la politique européenne ou les affaires étrangères soient brièvement abordés par les questionneurs, et le plus souvent esquivés par la questionnée. Auparavant, nous avions eu droit à une hallucinante procession de gens malheureux, posant exclusivement des questions liées à leurs cas personnels, certes douloureux et respectables, mais dont il est permis de se demander s'ils relevaient bien d'une campagne pour l'élection du président de la République française. Et là, force est de reconnaître que soeur Marie-Ségolène fit merveille: augmentant d'une main les petites retraites (au fait, à quel niveau commencent les grosses pensions ?), équipant de l'autre tous les musées de France pour les sourds et mal-entendants, elle alla même jusqu'à serrer le bras et la main d'un handicapé en fauteuil que l'émotion empêchait de finir sa phrase. Le geste fut si beau que certains dans le studio crurent entendre la dame en blanc murmurer "Lève-toi et marche", mais ceux-là étaient certainement déjà en "transitude"... D'autant que ce climat étrange ne fut à aucun moment rompu par des interlocuteurs réellement déterminés et agressifs, comme ceux auxquels Nicolas Sarkozy avait été confronté quinze jours plus tôt. Là, Madame Royal put tranquillement vendre son "pacte présidentiel", se contentant de ne pas répondre aux questions qui la gênaient...
La comparaison avec Nicolas Sarkozy s'imposait d'elle-même. Lundi soir, nous suivimes pendant deux heures la tournée de l'infirmière, refaisant les pansements et distribuant les calmants en ayant un mot gentil pour chacun. Deux semaines auparavant, nous avions eu droit à la visite du chef de service, au diagnostic précis et aux remèdes éprouvés, plus compétent mais moins proche de ses malades. Les Français choisiront-ils la compassion ou l'efficacité ?
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