Dans la nuit de jeudi à vendredi dernier, deux des SDF encore présents sous les tentes dressées canal Saint-Martin, à Paris, par les très médiatiques "Enfants de Don Quichotte", sont morts. Diagnostic : overdose de méthadone, substitut à l'héroïne devenu lui-même une drogue pour certains toxicomanes, alliée à une forte consommation d'alcool. L'un des deux, Reza, était un Iranien de 30 ans ; l'autre, Louis, un jeune Français de 20 ans. Leur décès, titrait Le Monde, "ravive les critiques sur la lenteur des relogements". Or l'errance de Louis, telle que la raconte le journal Le Parisien qui le suivait depuis janvier, montre une tout autre réalité, et met en lumière des vérités dérangeantes, bien loin du numéro d'acteur dont nous gratifie depuis des semaines Augustin Legrand, celui qui est à l'origine du campement du canal Saint-Martin.
Originaire du Nord, Louis avait quitté l'école et le domicile familial (il était brouillé avec ses parents) depuis déjà deux ans. Sans diplôme ni formation, il n'avait jamais travaillé et ne disposait d'aucune ressource. Expulsé d'un appartement lillois l'an dernier pour loyers impayés, il avait atterri à Paris début janvier 2007 pour rallier tout-de-suite le bivouac des "Enfants de Don Quichotte". Buvant du matin au soir, fumant des joints de cannabis, Louis partageait sa tente avec son amie Claudia, 19 ans, elle aussi sans ressources, qui avait pour le suivre interrompu ses études d'art plastique après avoir quitté ses parents divorcés. Bien que ne disposant d'aucun revenu, ce couple en perdition trouvait le moyen de se payer drogue et alcool, et même d'entretenir trois chiens !
Mais le plus incroyable est que des propositions de relogement leur avaient bel et bien été faites à trois reprises par les travailleurs sociaux en charge du campement. A chaque fois refusées, pour des raisons que Louis avait exposées au journaliste du Parisien : "On n'a pas souhaité les nuits d'hôlel, car on n'aurait pas pu y aller avec nos chiens. On a refusé une solution dans un centre d'hébargement et de réinsertion sociale à Troyes : si on est venu à Paris, ce n'est pas pour retourner en province !"
Des prétextes qui masquaient en fait un véritable refus de se réinsérer et de réintégrer la société, jusqu'à l'issue tragique que l'on sait. Le "dernier carré" du canal Saint-Martin est en effet formé de ces marginaux complets auxquels ne peut convenir aucune des solutions adaptées à ceux qui veulent réellement s'en sortir. C'est d'ailleurs ce que constatent les riverains, y compris ceux qui avaient au départ soutenu le mouvement : drogue, alcool, insultes, vols, bagarres, tous leurs témoignages concordent. Faudra-t-il d'autres décès pour que les pouvoirs publics prennent la seule décision qui s'impose désormais : faire évacuer par la force ce campement, hospitaliser et soigner ceux dont l'état le nécessite, y compris par des cures de désintoxication, et enfin reconduire à la frontière les nombreux immigrés clandestins présents sur le site ?
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