Distrayante dans un premier temps, la mascarade Royal-Bayrou prend depuis vingt-quatre heures une tournure franchement intolérable. Que ces deux-là aient envie de débattre afin de comparer leurs programmes, ça les regarde, mais il leur revient d'organiser cette rencontre passionnante de façon crédible et en respectant la loi électorale. Madame Royal ne peut pas imposer à des journalistes qui l'ont invitée en tant que candidate qualifiée pour le second tour la présence d'un autre candidat éliminé dès le premier (lire la note précédente). Et les chaînes qui accueilleraient leur rencontre, outre le risque sérieux qu'elles prendraient en ce qui concerne leur audience, auraient l'obligation d'accorder à Nicolas Sarkozy un temps de parole équivalent à celui dont bénéficierait la candidate socialiste : c'est d'ailleurs ce dernier point qui a fait renoncer Canal +, un temps pressenti.
Mais le pire est l'exploitation éhontée que font Compère Bayrou et Commère Royal (pour parler comme le président de l'UDF) en dénonçant d'imaginaires pressions de Nicolas Sarkozy afin d'empêcher leur palpitant débat... Ils ressortent pour l'occasion les bons vieux procédés staliniens d'antan : "Je n'en ai pas de preuves, mais j'en ai la certitude", assène le procureur Bayrou, pendant que sa greffière accuse "le système médiatico-financier auquel Nicolas Sarkozy est très lié". Si l'on comprend bien ces accusations, le candidat de l'UMP dirigerait d'ores-et-déjà l'ensemble de la presse régionale, le Conseil supérieur de l'Audiovisuel, Canal + (il suffit de voir comment le traitent quotidiennement les Guignols de l'Info pour mesurer son pouvoir...) et France-Inter ! Compère et Commère ne font là que continuer le processus de diabolisation commencé au premier tour, et tentent de susciter un réflexe "tout sauf Sarkozy" au second. Avec un franc succès : 16 députés UDF sur 29 ont déjà choisi de soutenir le candidat de l'UMP, et Maurice Leroy, un des piliers de la campagne Bayrou, vient de faire de même en expliquant qu'il "laissait le PS à ses vieux démons".
Sur le fond, il n'y aurait en effet rien de scandaleux à voir le Parti socialiste quitter enfin ses vieilles guenilles marxistes pour accomplir sa mutation social-démocrate en se rapprochant du centre-gauche, comme l'ont déjà fait la plupart de ses homologues européens. Ce qui est moralement choquant et politiquement stupide, c'est de voir Mme Royal prétendre conduire cette transformation entre les deux tours, et se livrer à une indécente "danse du centre" juste parce qu'elle vient de réaliser qu'elle n'a plus assez de réserves de voix à gauche et à l'extrême-gauche pour espérer l'emporter le 6 mai. Alors qu'un tel renversement d'alliances nécessiterait pour le moins un vaste débat interne suivi d'un congrès du PS avec vote de ses délégués.
Le plus triste reste de voir François Bayrou, par dépit de ne pas être au second tour, venir en renfort de Royal, Buffet, Voynet, Laguiller et Besancenot contre celui qui est désormais le candidat de toute la droite. Je ne sais pas pourquoi, à chacune de ses apparitions me revient systématiquement à l'esprit une des plus belles répliques du très regretté Michel Audiard : "Avoir l'air aussi faux derche, c'est une forme de franchise"...
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