En lançant hier soir la campagne de son Modem (Mouvement Démocrate) au Zénith, François Bayrou a appelé ses sympathisants, déjà beaucoup moins nombreux qu'il y a un mois, à une "longue marche" - référence surprenante à Mao Tsé-toung - qui doit trouver son aboutissement en 2012. Comment mieux reconnaître que sa seule préoccupation est bien l'élection présidentielle et qu'il est prêt à tout sacrifier, à commencer par son parti et ses amis, pour devenir un jour le "Grand Timonier" de l'Hexagone ?
Seule en effet cette obsession, connue de tous ceux qui ont travaillé avec lui, peut expliquer l'impasse dans laquelle il a mené l'UDF en refusant d'appeler entre les deux tours à voter pour Nicolas Sarkozy, comme le fit l'écrasante majorité de ses parlementaires, y compris ceux qui avaient loyalement et sincèrement animé sa campagne du premier tour. Grisé par les sept millions de voix obtenues qui n'étaient pourtant qu'un succès de circonstance (cf. sur ce blog ma note du 24 avril), il s'imaginait en être propriétaire et pouvoir bâtir sur ce socle son avenir présidentiel, surtout si Ségolène Royal l'emportait. Mais les réalités ont vite repris le dessus, et la large victoire de Sarkozy le 6 mai, à laquelle s'ajoutent les débuts réussis du nouveau chef de l'Etat en ce qui concerne l'ouverture, le rythme et le style de sa présidence, ont remis le Béarnais à sa véritable place. En attendant des jours meilleurs, il ne reste donc plus à celui-ci qu'à se constituer un appareil à sa dévotion : or qui dit appareil dit moyens financiers, donc présentation d'un maximum de candidats aux législatives, puisque chaque voix recueillie assure au parti correspondant 1,63 euro de financement public annuel.
Présenter un maximum de candidats, cela signifie, tous les petits partis le savent, avoir parfois recours à des "bouts de ficelle", en déposant les candidatures de proches - famille, amis, collaborateurs - qui même sans faire de véritable campagne arrivent toujours à glaner quelques voix, donc quelques fonds, supplémentaires. C'est ainsi que les centristes ralliés à Sarkozy se sont fait épingler par Le Monde pour aligner beaucoup de postulants portant les patronymes de "Morin" et de "Leroy", apparentés aux deux leaders de cette formation, ce que le journal a joliment appelé la marque "Leroy-Morin". Nul doute qu'en épluchant la liste des candidats bayrouistes on trouverait quelques combines du même genre. Mais on y trouvera surtout des centristes inattendus : des éternels recalés du suffrage universel, comme Corinne Lepage, des Verts qui quittent le navire écolo en perdition, comme le député européen Jean-Luc Benhamias (essentiellement connu pour avoir été condamné en 2005 par la Cour d'Appel de Paris pour "complicité de provocation à l'usage de stupéfiants"). Et même des centristes inquiétants, à l'instar de l'ancien judoka Djamel Bouras, candidat du Modem dans la deuxième circonscription de Seine-Saint-Denis.
Est-il besoin de rappeler ici l'éloquent CV de Djamel Bouras ? Oui, sans doute, pour ceux qui ont la mémoire courte ou ne suivent pas l'actualité de près. Aux JO de 1996, à peine descendu du tatami d'Atlanta, il dédie sa médaille d'Or non pas à son pays mais "à tous les musulmans en lutte dans le monde, en Bosnie, au Sud-Liban ou en Tchétchénie". Et ce n'était pas un accident de parcours, puisque les années suivantes le verront soutenir Dieudonné dans ses "sketches" antisémites, s'élever contre l'interdiction en France de Al-Manar, la chaîne de télévision du mouvement terroriste Hezbollah, et même manifester, en janvier 2004, contre la loi sur la laïcité interdisant le port du voile à l'école aux côtés du Parti des Musulmans de France, organisation aussi groupusculaire qu'extrémiste. Sans oublier une suspension de deux ans, dont un ferme, qui lui fut infligée fin 1997 par la Fédération française de Judo, malgré ses dénégations indignées, pour dopage à la nandrolone, ce qui lui fera un sujet de conversation tout trouvé avec Benhamias...
Avec des candidats comme ceux-là, le doute n'est plus permis : il y a vraiment un "bug" dans le Modem !
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