Le discours sur les relations franco-africaines, prononcé hier par Nicolas Sarkozy devant plusieurs centaines d'étudiants à l'université Cheikh Anta Diop de Dakar, mérite d'être étudié de près. Certes, le président français a exécuté les "figures imposées" dans ce type d'intervention, rappelant que les traites négrières ou l'esclavage avaient été des "crimes contre l'humanité", mais il a réitéré son refus de toute "repentance", car "nul ne peut demander aux générations d'aujourd'hui d'expier ces crimes perpétrés par les générations passées". Certes, il a qualifié la colonisation de "grande faute", mais il a rappelé que "tous les colons n'étaient pas des voleurs ou des exploiteurs". Il a surtout eu le courage, devant un tel auditoire, d'affirmer haut et fort que "la colonisation n'est pas responsable de toutes les difficultés actuelles de l'Afrique", citant les guerres, les génocides, la corruption, les gaspillages, et que ce continent a "sa part de responsabilité dans son propre malheur". L'Afrique, a-t-il conclu, doit prendre conscience "que l'âge d'or qu'elle ne cesse de regretter ne reviendra pas pour la raison qu'il n'a jamais existé". "Le problème de l'Afrique, ce n'est pas de s'inventer un passé plus ou moins mythique pour s'aider à supporter le présent, mais de s'inventer un avenir avec des moyens qui lui soient propres."
S'il est une figure qui symbolise les aspects les plus positifs et les plus désintéressés de la présence française outre-mer, c'est bien celle du maréchal Lyautey, à tel point que son souvenir est encore vénéré dans certains de nos ex-territoires. C'est pourquoi je publie ci-dessous de très larges extraits de la "Lettre ouverte à Nicolas Sarkozy" que vient de rendre publique le colonel Pierre Geoffroy, président de l'Association nationale Maréchal Lyautey. L'installation Porte Dorée, dans ce qui fut longtemps appelé le "Palais Lyautey", de la future "Cité nationale de l'histoire de l'immigration", voulue par Lionel Jospin et Jacques Chirac, constitue à la fois une véritable trahison des volontés de Lyautey et une nouvelle manifestation d'auto-flagellation et de repentance, pourtant dénoncées par le nouveau chef de l'Etat.
Nicolas Sarkozy a donc une belle occasion, en décidant d'implanter ailleurs cette "Cité" et en redéfinissant sa mission et ses objectifs, de mettre ses actes en accord avec ses paroles. C'est pourquoi il est important de faire connaître et circuler le texte ci-dessous, qui ne peut laisser insensible les Français fiers de l'histoire et de l'œuvre de leur pays.
LETTRE OUVERTE A MONSIEUR NICOLAS SARKOZY, PRÉSIDENT DE LA REPUBLIQUE
Plaidoyer pour le respect de Lyautey et de la mémoire coloniale.
Sous nos yeux, les détracteurs de l’épopée coloniale de la France continuent par tous les moyens leur ignoble besogne au service de leur idéologie, avec des complicités connues, mais souvent aussi insoupçonnées sinon insoupçonnables.
De nombreuses réactions indignées émanent des associations et des citoyens respectueux de la vérité historique qui composent la majorité dite silencieuse. (…)
Nous pouvons désormais nous référer à l’esprit et à la lettre de vos déclarations et discours prononcés pendant la campagne et, en particulier, celui de Toulon le 7 février et celui de Metz le 17 avril 2007, dans lesquels vous avez cité le Maréchal Lyautey : "Ce grand soldat, avez-vous dit à Metz, qui fut aussi un homme de cœur qui fit aimer la France partout où il la servit". En nous plaçant dans la perspective promise d'une "France fière de son histoire et d’une République fidèle à ses valeurs", nous attendons des signaux forts qui incitent au respect de la mémoire de tous ceux qui ont fait ce qu’on a appelé "la plus grande France" ainsi que de l’œuvre humaine, sociale et économique qu'ils ont accomplie.
Le Maréchal Lyautey, compte tenu de sa personnalité marquante et de l’ampleur de son œuvre, apparaît bien comme un des symboles forts de l’histoire coloniale. Et, à ce titre, l’abrogation du décret régalien du 16 novembre 2006 apparaîtrait comme un de ces signaux forts. Il y a urgence car, sur les 20 millions d’investissement accordés, des crédits importants ont déjà été engagés pour défigurer et détourner de sa vocation première le Palais, souvent appelé Palais Lyautey, situé à la Porte Dorée, dans le 12ème arrondissement de Paris.
Ce décret, créant l’Etablissement public de la Porte Dorée - "Cité nationale de l'histoire de l'immigration" au Palais Lyautey, a pour conséquence d’outrager la mémoire de Lyautey, de contribuer de façon officielle à effacer tout rappel de notre passé colonial, d’institutionnaliser l’anticolonialisme et la repentance et d’offrir une plate-forme au terrorisme intellectuel.
En effet, dans l'idée de Lyautey et selon ses écrits, le seul bâtiment destiné à survivre à l’Exposition Coloniale de 1931, Porte Dorée, devait abriter un "Musée permanent des Colonies". Que l’on ait voulu créer une "Cité nationale de l'histoire de l'immigration", c’est une chose. Mais vouloir le faire au Palais de la Porte Dorée, c’est autre chose : c’est à la fois une profanation des lieux et une provocation.
Il est urgent de suspendre les travaux en cours, d’abroger le décret en cause et de remettre tout à plat pour que le Palais de la Porte Dorée soit rendu à sa vocation première, tout en l’adaptant sans parti pris aux exigences de notre époque. Et ceci devrait être fait en concertation avec des associations non sectaires ayant une approche objective de l’histoire coloniale et le souci d’en préserver la mémoire. Nous voulons participer à la "remise à l’heure des pendules".
En voici les raisons :
Après une carrière bien remplie, le Maréchal Lyautey, un des plus grands artisans de la grandeur de la France, avait accepté en 1927, à l’âge de 73 ans, la responsabilité de Commissaire Général de l’Exposition Coloniale que lui proposait le Président Raymond Poincaré. Le succès populaire fut au rendez-vous, puisque plus de 33 millions de visiteurs affluèrent entre les mois de mai et de novembre 1931 et que de nombreux Chefs d’Etat y furent reçus.
Dès la pose de la première pierre, en 1928, Lyautey affirmait avec force "qu’il ne s’agissait pas seulement d’une exhibition foraine, mais que le caractère d’office de travail prédominerait hautement, laissant une grande leçon d'action réalisatrice".
Sous le titre "Le sens d’un grand effort", il livrait sa pensée : "Il reste encore sur la terre de vastes champs à défricher, de pacifiques batailles à livrer à la misère, à l'ignorance, à toutes les forces mauvaises de la nature. En montrant l'immense labeur déjà accompli par les nations colonisatrices, l'exposition montrera, par surcroît, qu'il reste encore beaucoup à faire.
Puisse-t-elle être comprise ! Puisse-t-elle insuffler à tous les peuples, mais d'abord aux peuples aînés, un esprit nouveau, une conscience nouvelle ! Coloniser, ce n'est pas uniquement, en effet, construire des quais, des usines ou des voies ferrées; c'est aussi gagner à la douceur humaine les cœurs farouches de la savane ou du désert".
Comme en écho, dans son discours, lors de sa réception par le Maréchal Lyautey à l’Exposition, le 7 août 1931, SM le Sultan Mohammed ben Youssef, futur Roi Mohammed V, devait déclarer : "En venant admirer l’Exposition Coloniale, cette belle réalisation de votre génie, il nous est particulièrement agréable de profiter de cette occasion solennelle pour apporter notre salut au grand Français qui a su conserver au Maroc ses traditions ancestrales, ses mœurs et ses coutumes, tout en y introduisant cet esprit d’organisation moderne sans lequel aucun pays ne saurait vivre désormais. Pouvons-nous oublier, en effet, qu’à votre arrivée au Maroc, l’Empire chérifien menaçait ruine ? Ses institutions, ses arts, son administration branlante, tout appelait un organisateur, un rénovateur de votre trempe pour le remettre dans la voie propre à le diriger vers ses destinées. En ménageant la susceptibilité de ses habitants, en respectant leurs croyances et leurs coutumes, vous les avez attirés vers la France protectrice par vos nobles qualités de cœur et la grandeur de votre âme".
Aujourd’hui, on devrait encore entendre résonner comme un fait d’actualité cet appel à l’union de Lyautey lancé à l’occasion de l’Exposition Coloniale : "Union entre les races, ces races qu'il ne convient vraiment pas de hiérarchiser entre races supérieures et races inférieures, mais de regarder comme "différentes" en apprenant à s'adapter à ce qui les différencie. Union entre les peuples, issus de notre civilisation, qui, en venant à nos côtés, dans cette Exposition, nous donnent une saine leçon de solidarité au lendemain des déchirements les plus sanglants de l'histoire".
Le Maréchal Lyautey avait donc voulu qu’un magnifique bâtiment, le "Palais permanent des colonies", dont il confia la réalisation à l’architecte Albert Laprade, survive à l’Exposition Coloniale de 1931 pour abriter ce qu’il appellera un "Musée permanent des Colonies", puis une "Maison de la France d’outre-mer".
Après des travaux de réaménagement, le Palais rouvrit d’abord partiellement, puis en totalité en 1935 sous le nom de "Musée de la France d’outre-mer". En guise de signal de la décolonisation, il fut dépossédé dans les années 60 de ses plus belles et plus évocatrices collections par André Malraux, ministre des Affaires culturelles. Il subsista un maigre musée des "Arts Océaniques et Africains", dépouillé dans les années 80 des souvenirs trop "coloniaux".
Par la suite, aucune des propositions faites pour valoriser le site en harmonie avec l’esprit de ses concepteurs n’a été prise en compte, jusqu’à ce que M. Jospin valide un projet rampant porté par Mme Guigou pour l’association "Génériques". Ce projet a été repris en 2002 par le Président de la République, Jacques Chirac, et a fait son chemin avec suffisamment de discrétion pour échapper aux controverses. Vidé de son contenu en 2003, au profit du Musée des Arts premiers, le Palais de la Porte Dorée a été désigné, à la satisfaction du Maire de Paris, par le Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin (discours du 8 juillet 2003) pour abriter ce qu’il a baptisé une "Cité nationale de l’histoire de l’immigration".
De ce fait, non seulement le Palais de la Porte Dorée se trouve détourné de sa vocation initiale mais, de surcroît, il va être occupé par un organisme dont les objectifs affichés, et, plus encore, ceux non avoués, sont incompatibles avec l’esprit des lieux. (…)
Déjà, sur le site Internet de la "Cité nationale de l’histoire de l’immigration" on peut lire ceci :
"Il s’agit donc, avec ce projet et ce lieu, de déconstruire l’imagerie héritée de la colonisation, de retourner les symboles. De dire et de montrer que la page de la colonisation est définitivement tournée et détourner le bâtiment de sa vocation première." On ne peut être plus clair. Et, pour le prouver, le nom de Lyautey ne figure dans aucun texte mis en ligne, même pas dans l’historique du Palais, ce qui est un comble ! (…)
Nos suppositions et nos craintes se révèlent fondées, puisque la presse a annoncé la démission de leur poste d’une dizaine de fonctionnaires affectés à la mise en place de la "Cité nationale de l'histoire de l'immigration" pour protester contre la création du Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Co-développement.
Autre signe de la volonté d’occulter toute une période pour permettre à de pseudo-intellectuels de réécrire l’histoire en la travestissant, nous avons observé que dans le même temps, le projet abouti de Mémorial de la France Outre-Mer, que devait construire l'Etat à Marseille, a été gelé. (…)
Pourquoi tant d’acharnement, de compromissions pour contribuer à faire table rase de ce passé ? Tout simplement parce que l'œuvre humaine et généreuse de la France réalisée outre-mer et l’exemple de Lyautey, symbole de toute cette époque, vont à l’encontre des thèses anticolonialistes. (…)
Lyautey, chassé du Palais de la Porte Dorée comme tout ce qui peut perpétuer le souvenir de l’Exposition Coloniale de 1931, a toujours porté haut les valeurs de l’effort, du travail, du devoir social, de l’esprit d’équipe et d’entreprise, ce qui fournit aux idéologues de la "déconstruction" des raisons supplémentaires de "retourner les symboles", comme ils l’affirment.
Il est urgent de maintenir les symboles debout avant qu’ils ne soient "retournés" et ne disparaissent, victimes d’un oubli programmé.
Colonel (er) Pierre GEOFFROY,
Président de l’Association Nationale Maréchal Lyautey
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