Etrange comme certains observateurs, si prompts à s'emparer du moindre bout de phrase pour en faire un écho politique plus ou moins fondé, ont ignoré les propos tenus dimanche dernier par Dominique de Villepin sur France 5. Interrogé par Serge Moati dans l'émission Ripostes, l'ancien premier ministre a laissé échapper quelques phrases qui méritent pourtant qu'on y revienne. Qu'on en juge par l'extrait ci-dessous.
- Dominique de Villepin : Dans six mois, nous allons avoir les élections municipales. Je pense que nous ne nous préparons pas suffisamment au sein de la majorité. Françoise de Panafieu est une femme pleine de qualités. Peut-on gagner Paris aujourd'hui, face à un maire de Paris extrêmement dynamique ? (...) Pouvons-nous faire mieux ? Je le crois. Est-ce que nous avons l'équipe pour gagner ? Est-ce que nous nous dotons des meilleurs pour gagner ?
- Serge Moati : Oui ou non ?
- DDV : Je pose la question.
- SM : Vous avez la réponse...
- DDV : La réponse, c'est que je pense que nous ne mobilisons pas forcément les meilleurs atouts de notre majorité pour gagner.
- SM : Allez-y, vous ! Vous ne vous présentez jamais, allez-y !
- DDV : Nous avons trois anciens premiers ministres dans notre famille politique (1). Ca veut dire que nous avons un capital d'expérience, un capital d'autorité exceptionnel. Qu'est-ce que nous en faisons ? (...) Je suis prêt à accepter toutes sortes de responsabilités...
- SM : Sur Paris aussi ?
- DDV : Toutes sortes de responsabilités.
Quand on sait combien Dominique de Villepin maîtrise son discours, le doute n'est guère permis : il se refuse à écarter - pour ne pas dire qu'il envisage sérieusement - sa candidature à la Mairie de Paris en mars prochain. A tort ou à raison, l'ancien premier ministre est persuadé que l'instruction de l'affaire Clearstream, en ce qui le concerne, pourrait se conclure par un non-lieu : c'est d'ailleurs ce qui explique qu'il n'ait pas demandé à être entendu par la Cour de Justice de la République, ce qui aurait considérablement rallongé la procédure, mais par la justice ordinaire. Fort de cette conviction, et animé d'une haine absolue envers Nicolas Sarkozy, il se positionne depuis quelques semaines comme son principal opposant au sein de la majorité en multipliant les déclarations agressives à son égard. D'où une tentation logique et naturelle : et s'il faisait au chef de l'Etat le "coup" qu'un certain Jacques Chirac fit, voici tout juste trente ans, à un président nommé Giscard, c'est-à-dire prendre d'assaut l'Hôtel de Ville de Paris pour en faire d'abord une forteresse, puis un tremplin vers l'Elysée ?
L'Histoire, c'est bien connu, n'est pas censée se répéter, et bien des obstacles se dressent sur la route de Dominique de Villepin. Il faut d'abord que ses déboires judiciaires se terminent aussi vite et bien qu'il le souhaite. Puis que la désignation de Françoise de Panafieu comme challenger du maire de Paris soit réellement remise en cause, ce qui n'est pas le cas actuellement, tous les élus UMP parisiens - à l'exception du député Bernard Debré - s'étant rangés derrière sa candidature. Il est vrai que les premiers sondages publiés, s'ils sont confirmés par d'autres, pourraient changer la donne : selon une enquête de l'Ifop pour Paris-Match, les listes Delanoë obtiendraient 47% des voix au premier tour, contre 33% pour les listes Panafieu. Pire encore : 58% des Parisiens souhaitent la victoire du maire sortant et 39% celle de la candidate UMP, qui est même devancée en cote de popularité par Bernard Debré ! Enfin, en admettant que l'ex-premier ministre arrive à supplanter Françoise de Panafieu comme chef de file de la droite parisienne, il lui resterait à défaire les listes de la gauche menées par Bertrand Delanoë. Ce qui risque de ne pas être le plus facile...
(1) Ils sont en réalité au nombre de quatre : Dominique de Villepin, Jean-Pierre Raffarin, Alain Juppé et Edouard Balladur. Il est vrai que ce dernier présente sans doute l'inconvénient, aux yeux de Villepin, d'être "sarko-compatible".
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