Invité lundi soir par Henry de Lesquen au micro de Radio-Courtoisie - dont l'autorisation d'émettre vient d'être fort heureusement renouvelée pour cinq ans par le CSA - , j'ai pu constater que l'adhésion éventuelle de la Turquie à l'Union européenne constituait toujours, et à juste titre, un casus belli pour notre famille d'idées. Au point que certains, sans doute échaudés par tant de trahisons passées des leaders de la droite, accusent Nicolas Sarkozy d'avoir changé d'avis sur ce sujet, de ne plus s'opposer désormais aux objectifs d'Ankara, voire même d'avoir menti depuis le début dans cette affaire et affirmé une opposition factice pour mieux duper les électeurs : tel fut, en substance, le thème du débat assez vif qui m'opposa hier à Henry de Lesquen et au député européen souverainiste Paul-Marie Coûteaux, deux hommes avec lesquels je me sens pourtant habituellement en grande communion de pensée.
Quelque peu ébranlé par leurs affirmations, et un peu meurtri, je l'avoue, par les accusations de « candeur » et de « naïveté » dont j'avais fait l'objet durant l'émission, je me suis replongé ce matin dans le texte qui justifiait leur vindicte et leurs accusations envers le chef de l'Etat : le discours prononcé par celui-ci, le 27 août dernier, devant la conférence annuelle des ambassadeurs de France. Après une lecture attentive des paragraphes consacrés à la Turquie, que je vous propose de partager en les reproduisant ci-dessous (au lieu des quelques extraits cités hier soir), je persiste et je signe : si les mots ont encore un sens, il n'y a aucune volte-face de Nicolas Sarkozy sur ce dossier, aucun reniement, aucune trahison. Qu'on en juge.
Concernant les frontières de l'Europe, le président de la République constate d'abord que « le moment est venu de poser la question de l'avenir du projet européen ». Il propose donc que « d'ici la fin de cette année, soit créé par les 27 un comité de dix à douze sages de très haut niveau (...) pour réfléchir à une question qui pour être simple n'en est pas moins essentielle : « Quelle Europe en 2020-2030 et pour quelles missions ? ». Les sages devraient remettre leurs conclusions et leurs propositions avant les élections européennes de juin 2009. » Pour parler clair, Nicolas Sarkozy demande que l’on réfléchisse au niveau européen à l'identité et aux frontières de l'Union européenne. Il s'agirait là d'un progrès, puisque ces problèmes étaient jusqu'à présent soigneusement évités, ce qui permettait aux définitions les plus vagues et les plus farfelues de l'Europe d'avoir libre cours.
Pour ce qui est des négociations en cours avec la Turquie, les paroles de Nicolas Sarkozy sont, à mon avis, claires et nettes : « Si cette réflexion essentielle sur l'avenir de notre Union est lancée par les 27, la France ne s'opposera pas à ce que de nouveaux chapitres de la négociation entre l'Union et la Turquie soient ouverts dans les mois et les années qui viennent, à condition que ces chapitres soient compatibles avec les deux visions possibles de l'avenir de leurs relations : soit l'adhésion, soit une association aussi étroite que possible sans aller jusqu'à l'adhésion. Je ne vais pas être hypocrite. Chacun sait que je ne suis favorable qu'à l'association. C'est l'idée que j'ai portée pendant toute la campagne électorale. C'est l'idée que je défends depuis des années. Je pense que cette idée d'association sera un jour reconnue par tous comme la plus raisonnable. (...) Sur les trente-cinq chapitres qu'il reste à ouvrir, trente sont compatibles avec l'association. Cinq ne sont compatibles qu'avec l'adhésion. J'ai dit au Premier Ministre turc : occupons-nous des trente compatibles avec l'association, on verra pour la suite. Il me semble que c'est une solution qui ne trahit pas le souhait des Français et qui, en même temps, permet à la Turquie d’avoir une espérance. Il est évident que si on devait refuser cette formule de compromis, je veux simplement rappeler que, pour la poursuite des discussions, il faut l'unanimité. »
Le doute n’est donc pas permis : la France refuse toujours d’ouvrir les chapitres qui impliqueraient une adhésion automatique de la Turquie à la fin des négociations, mais accepte de discuter sur ceux qui pourraient se conclure par une association ou un partenariat privilégié, qui reste l’objectif de Nicolas Sarkozy. C’est exactement la politique qui a été suivie lors du Conseil européen de juin, où Paris a accepté que l’on négocie avec Ankara sur « l’harmonisation des statistiques économiques » entre les deux parties, utile même en cas de simple partenariat, mais a bloqué l’ouverture du chapitre sur « l’union économique et monétaire », qui suppose a priori une adhésion de la Turquie à l’UE. A noter également la dernière phrase du chef de l’Etat, qui brandit la menace d’un veto français si ce compromis n’était pas accepté par nos partenaires et par la Commission de Bruxelles.
Si je me trompe, si tout ceci n’est que rouerie ou poudre aux yeux, je suis prêt, comme je l’ai dit lundi soir, à faire amende honorable et à « avaler mon chapeau » au micro de Radio-Courtoisie. Mais, en attendant cet improbable retournement, je trouve que ce n’est pas rendre service à la droite que de tenter de la dresser, à coup de procès d’intention et de citations partielles, contre un président de la République dont le style et certaines initiatives peuvent certes surprendre et déranger, mais dont le bilan des 100 premiers jours est sans conteste «globalement positif», comme disait en son temps le camarade Marchais.
Commentaires