Après l'amendement sur l'utilisation des tests ADN, un deuxième "bébé Mariani" fait donc parler de lui : le député UMP du Vaucluse Thierry Mariani est en effet l'auteur d'un autre ajout au projet de loi sur l'immigration, qui fait scandale presque autant que son grand frère : celui concernant les sans-papiers et les centres d'hébergement d'urgence.
Toute la presse présente cet amendement (article 21) comme barrant purement et simplement l'entrée de ces centres aux personnes séjournant irrégulièrement sur le sol français. Même Valeurs Actuelles, habituellement plus rigoureux, écrit sous la plume de Josée Pochat que ce texte porte "sur l'interdiction de l'accès aux centres d'hébergement d'urgence aux étrangers en situation irrégulière". Ce qui serait effectivement choquant : comment imaginer, par exemple, qu'un SDF amené dans un foyer par le Samu Social une nuit de grand froid puisse être renvoyé à la rue parce qu'il n'aurait pas de papiers en règle ? Même les plus déterminés dans la lutte contre l'immigration clandestine - dont je crois être - ne pourraient cautionner de tels comportements.
Seulement voilà : il n'en est rien, et l'amendement en question ne prévoit aucune disposition de ce genre. Bien au contraire, Thierry Mariani précise dans son exposé des motifs que le bénéfice d'un "hébergement de courte durée, par exemple pendant l'application du plan d'urgence hivernale, n'est pas mis en cause". En fait, ce n'est pas "l'accès", mais "le maintien" en hébergement d'urgence dit de moyenne durée, c'est-à-dire pendant trois mois, que le député UMP veut réserver aux personnes en règle. Et ce pour une raison essentielle.
Ce maintien de moyenne durée, également appelé maintien "de stabilisation" est en effet une des dispositions de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, dite loi DALO. Dès son article 1er, cette loi précise que "le droit à un logement décent et indépendant (...) est garanti par l'Etat à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière (...) n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir". La régularité du séjour est donc bien exigée.
L'article 4 de la même loi énonce que "toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation". Le maintien en hébergement d'urgence, en fait destiné à donner le temps aux pouvoirs publics concernés (commune, département, etc.) de se retourner et de trouver une solution, est donc une véritable antichambre avant l'attribution - devenue obligatoire - d'un logement social. C'est d'ailleurs la seule raison qui explique sa présence dans la loi DALO.
Or cet article 4 oublie malencontreusement de rappeler l'obligation de régularité du séjour lorsqu'il parle de "toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence". Cette faille, vite repérée par les organisations d'extrême-gauche qui soutiennent les sans-papiers, permettrait d'exiger que les clandestins bénéficient dans un premier temps de ce maintien en hébergement d'urgence, avant de réclamer ultérieurement des logements sociaux sans condition de régularité du séjour, malgré l'article 1. Inutile d'épiloguer sur le formidable "appel d'air" que cela représenterait pour l'immigration illégale : après les soins gratuits et la scolarisation obligatoire des enfants, voici que la loi française garantirait de facto des logements pour tous les clandestins !
Telle est la raison pour laquelle l'amendement Mariani, afin de faire disparaître ce hiatus entre les articles 1 et 4 de la loi DALO, prévoit simplement d'ajouter à la première phrase de l'article 4 (lire ci-dessus) la précision suivante : "si elle peut justifier de la régularité de son séjour sur le territoire dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat". Telle est la raison pour laquelle gouvernement et parlement ne peuvent pas céder, et doivent soit maintenir cet amendement, soit le remplacer par une disposition équivalente. Faute de quoi ce serait ouvrir une nouvelle brèche dans le mur, déjà bien lézardé, censé protéger notre pays de l'immigration clandestine et lui permettre de n'accueillir qu'une immigration "choisie".
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