Bien sûr, les perturbations ont été fortes ce mercredi dans les transports en commun, et le seront sans doute encore demain, voire après-demain. Et pourtant, dès la fin de la première journée de cette épreuve de force, on peut écrire sans grand risque de se tromper que celle-ci tourne à l'avantage du gouvernement, et que la grève est un échec.
Un échec lisible dans les chiffres : 12% de grévistes en moins que le 18 octobre à la SNCF, 14% de moins à la RATP, 15% de moins à EDF, deux fois plus de trains et de métros que prévus, des manifestations clairsemées. Et, surtout, un échec reconnu de facto par le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, qui a changé radicalement de discours en 24 heures, suivi par les autres syndicats : il accepte désormais des discussions entreprise par entreprise, là où il réclamait une renégociation globale du projet de loi mettant fin aux régimes spéciaux de retraite.
Un tel changement est fondamental : une négociation globale pouvait permettre aux syndicats de remettre en cause les fondements même de la réforme, notamment le passage à 40 annuités de cotisations, alors qu'une négociation par entreprise ne peut plus porter que sur des mesures d'accompagnement de cette réforme (décote, salaire en fin de carrière, etc.). Seule concession - mineure - de l'Elysée et de Matignon : la présence de représentants de l'Etat dans ces discussions, qui permettra d'ailleurs de vérifier que celles-ci ne s'écartent pas de la "feuille de route" fixée.
Le 31 octobre, nous écrivions sur ce blog que cette bataille était "loin d'être perdue pour le chef de l'Etat, son gouvernement et sa majorité", et nous donnions les raisons de ce relatif optimisme : soutien massif de l'opinion publique, capacité de persuasion de Nicolas Sarkozy, mandat clair donné à celui-ci par l'élection présidentielle, union totale de la majorité parlementaire derrière l'exécutif, et enfin division profonde des syndicats malgré une unité de façade. Tous ces éléments se sont vérifiés, et laissent présager, sauf coup de théâtre, une fin de conflit relativement rapide. Paradoxalement, c'est de la défaite des syndicats et de leurs divisions que pourraient naître d'ultimes difficultés : en particulier au sein de la CGT, où un affrontement se dessine entre Bernard Thibault, qui souhaite depuis longtemps faire évoluer son organisation, et son successeur à la tête de la CGT-cheminots, Didier Le Reste, un communiste pur et dur qui tentera probablement de faire échouer les discussions à la SNCF.
Il ne restera plus au gouvernement à maîtriser l'agitation entretenue dans un certain nombre d'universités par une extrême-gauche aussi violente que minoritaire (voir note précédente), et il aura alors brillamment remporté son premier bras de fer social, avec une méthode qui pourra resservir en d'autres circonstances. Si l'on ajoute à cela les premières bonnes nouvelles depuis longtemps sur le front économique, forte baisse du chômage et forte croissance au troisième trimestre, cette fin d'année pourrait bien se révéler moins morose que craint - ou espéré - par certains.
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