Malgré l'actualité sociale chargée, il n'est pas inutile de revenir sur la décision rendue jeudi dernier par le Conseil constitutionnel à propos de la loi Hortefeux sur l'immigration. S'agissant des tests ADN, le Conseil les a certes validés, mais en les entourant de nouvelles conditions qui rendent leur mise en oeuvre quasiment inopérante. Mais surtout les "Sages" ont cru indispensable de préciser que "la filiation de l'enfant étranger reste soumise à la loi personnelle de la mère étrangère", c'est-à-dire à la législation de son pays d'origine. Quand on connaît la conception très extensive de la famille en Afrique, il y a de quoi se faire du souci... D'ailleurs, souligner ainsi que, en ce qui concerne le regroupement familial, les lois du pays d'origine priment par rapport à celles du pays d'accueil, est-ce vraiment oeuvrer pour l'intégration future des nouveaux arrivants ?
Mais c'est surtout la décision concernant les statistiques dites "ethniques", c'est-à-dire celles permettant de collecter des renseignements sur les origines des personnes recensées, qui apparaît comme bien plus politique que juridique. Si le motif de forme invoqué - l'article en question avait peu de rapport avec le reste de la loi - semble recevable, le Conseil en a rajouté sur le fond en estimant que cet article "ne prenait pas en compte le principe énoncé par l'article Ier de la Constitution". Or cet article Ier stipule simplement que la France "assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion". En quoi le fait de disposer de statistiques sérieuses sur les origines de la population - ce qui est par exemple le cas aux Etats-Unis - empêcherait-il d'assurer l'égalité de tous devant la loi ?
Cette seconde décision est d'autant plus incompréhensible que la quasi-totalité des démographes réclament la réalisation de telles statistiques, indispensables à l'étude de l'évolution de la population française, et que même la très sourcilleuse Commission Nationale Informatique et Libertés en avait admis le principe. Mais certains, on le sait, préfèrent casser le thermomètre plutôt que savoir s'ils ont de la température... Faut-il voir dans ce choix l'action de l'ancien président Jacques Chirac, qui siégeait pour la première fois rue Montpensier, et dont on connaît l'anti-racisme sourcilleux et l'anti-sarkozysme viscéral ? On ne le saura jamais, puisque les délibérations du Conseil et le vote de chaque "Sage" sont tenus secrets, contrairement à ce qui se passe à la Cour Suprême américaine.
Nul besoin, en tout cas, de tests ADN ou de statistiques ethniques pour comprendre ce qui s'est passé vendredi dernier au Stade de France, lors du match de football France-Maroc : tribunes pavoisées aux couleurs marocaines, public - presque exclusivement composé, selon les observateurs, de Marocains ou de Français d'origine marocaine - sifflant la Marseillaise et conspuant les membres de l'équipe de France, qu'ils soient blancs ou noirs ! Seuls les joueurs français d'origine maghrébine, comme Nasri ou Ben Arfa, eurent droit à quelques applaudissements lorsqu'ils entrèrent sur le terrain. Il n'y a pas à dire, l'intégration progresse chaque jour...
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