En trois jours, après les flottements qui ont conduit à un second tour des législatives moins brillant que prévu, c'est à une formidable reprise en main que s'est livré Nicolas Sarkozy. Composition du nouveau gouvernement, "feuille de route" tracée dans le détail devant les nouveaux parlementaires de sa majorité, interview sur TF1 et Conseil européen : le chef de l'Etat a tenu à montrer d'une part qu'il était le vrai patron, et d'autre part que les promesses faites seraient tenues.
Ce retour en première ligne du président de la République semble être un vrai succès : audience record pour son entretien avec Claire Chazal et PPDA, qui aurait convaincu 78% des téléspectateurs, si l'on en croit les sondages. Il est vrai que l'incontestable réussite de cette prestation tient d'une part aux vraies facultés de communication et de pédagogie dont est doué Nicolas Sarkozy, mais aussi à la force que lui donne son pragmatisme constant, qui se matérialise aussi bien dans la composition du gouvernement que dans sa façon d'aborder le dossier européen.
Le pragmatisme, c'est l'art de partir des choses telles qu'elles sont et non telles qu'on voudrait qu'elles soient. Prenons le cas de l'ouverture du gouvernement sur la "diversité", c'est-à-dire le fait de nommer des ministres ou des secrétaires d'Etat de toutes origines ethniques. On peut déplorer que trente années de politiques irresponsables d'immigration et de nationalité aient profondément modifié la nature même de notre peuple, qui ne correspond plus aujourd'hui à la définition qu'en donnait le général De Gaulle à Alain Peyrefitte, "un pays majoritairement de race blanche, de culture gréco-romaine et de religion judéo-chrétienne", même si cette formule doit rester une référence historique et culturelle ; on est en droit de penser que cette évolution n'est pas, contrairement à ce qu'affirmait Bernard Stasi, "une chance pour la France", et que cela pose et posera des problèmes cruciaux à la communauté nationale. Il n'empêche que la transformation de notre pays en un ensemble multi-ethnique est un fait, et même un fait irréversible. Et que l'heure était sans doute venue, ne serait-ce que pour éviter des replis communautaristes porteurs d'affrontements futurs, de tenir compte de cet état de fait jusque dans la composition du gouvernement de la France. Certains choix peuvent laisser sceptiques ou même inquiéter, en particulier la nomination de Fadela Amara, fondatrice de "Ni putes, ni soumises" : mais, dans ce cas précis, les réserves tiennent surtout à sa personnalité virulente et à son engagement très marqué à gauche, de SOS Racisme au Parti socialiste.
Autre dossier dans lequel le pragmatisme présidentiel s'exerce avec force, l'Europe. On ignore à l'heure où j'écris ces lignes si le "traité simplifié" voulu par Nicolas Sarkozy verra ou nom le jour au Conseil européen de Bruxelles, mais cette démarche est aujourd'hui généralement reconnue comme la seule susceptible de faire sortir l'Union européenne de l'impasse, alors qu'elle était considérée comme un gadget électoral français voici quelques semaines. Une progression qui, là encore, est due à la faculté du président français de partir de réalités indéniables et compréhensibles par tous. La première est que la Constitution européenne élaborée par Valéry Giscard d'Estaing est morte, puisqu'elle devait être approuvée par tous les états-membres, et que deux l'ont repoussée ; la deuxième est que tout autre texte se présentant comme une Constitution supra-nationale risquerait fort de connaitre le même sort, notamment en Grande-Bretagne. Conclusion logique : tentons de nous mettre d'accord sur un texte a minima, qui permettrait au moins à l'Union européenne de fonctionner à vingt-sept, et ratifions-le en France par la voie parlementaire, puisqu'il s'agit d'un simple traité et non plus d'une Constitution. "Mini-ambition", se gausse Ségolène Royal ; "tour de passe-passe", déplorent les souverainistes : peut-être, mais qui propose plus simple et plus réaliste pour débloquer la situation ?
Mais le pragmatisme, la force de conviction et la capacité de communication du chef de l'Etat ne serviront à rien si les actes ne suivent pas. Assistant entre les deux tours des législatives à une réunion publique dans l'Oise, j'ai été frappé par deux sentiments très forts qui se dégageaient de l'assistance, invitée à prendre la parole : l'optimisme et l'exigence. "Sarkozy nous a rendu pendant la campagne présidentielle un espoir que nous avions perdu, disait parmi d'autres un agriculteur d'une quarantaine d'années, l'espoir que nos enfants vivront peut-être mieux que nous. Mais maintenant, cet espoir, vous n'avez plus le droit de le décevoir." Si l'on en croit les premiers textes sortis des cartons gouvernementaux, "paquet" fiscal, réglementation du regroupement familial, autonomie des universités, loi-cadre sur le service minimum dans les transports publics, le message semble avoir été reçu. Mais il faudra tenir le cap pour convaincre ceux qui ont été si souvent déçus et trahis dans le passé.
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