Après dix ans passés à Downing Street, Tony Blair quitte aujourd'hui le pouvoir, Gordon Brown lui succédant au poste de premier ministre britannique. Toute la presse s'extasie sur le bilan de Tony Blair (guerre d'Irak mise à part), sur les réformes qu'il a accomplies et sur ses talents - indéniables - de grand communicateur. Mais peu de journalistes rappellent l'essentiel : sans l'énorme travail de redressement national accompli par Margaret Thatchet de mai 1979 à novembre 1990 (et prolongé par John Major jusqu'en 1997), le "blairisme" n'aurait probablement jamais existé, tant la Grande-Bretagne semblait condamnée à un déclin inéluctable, plombée par une dette gigantesque, des dépenses publiques incontrôlées, un pouvoir syndical tout-puissant et une productivité en chute libre.
En onze années de pouvoir, la "Dame de fer" accomplit ce que même les autres dirigeants du Parti conservateur croyaient impossible : réduction drastique des dépenses publiques, démantèlement de l'Etat-procidence, baisse massive des impôts, privatisations réussies, mise au pas des syndicats malgré des grèves très dures, division par deux du taux de chômage, remplacement d'un outil industriel obsolète par le boom des services et de la finance, défense des intérêts nationaux au sein de l'Europe...
La révolution conservatrice et libérale, qu'elle mena en parallèle avec celle conduite par Ronald Reagan aux Etats-Unis, obtint de tels résultats qu'elle déplaça nettement vers la droite l'axe de la vie politique britannique. A tel point que les travaillistes durent se réformer complètement - ce fut l'apparition du "New Labour" - pour revenir au pouvoir, et que Tony Blair se garda bien de toucher aux "fondamentaux" du thatchérisme, se contentant d'en corriger certains effets excessifs, notamment en ce qui concerne la protection sociale. Tout comme, de l'autre côté de l'Atlantique, Bill Clinton eut l'intelligence de surfer durant deux mandats sur le bilan impressionnant de Ronald Reagan.
Que tirer comme leçon pour la France de ce qui précède ? Notre pays, lui, n'a pas eu la chance ces dernières décennies d'avoir à sa tête une Thatcher ou un Reagan. Les grandes réformes y restent toujours à accomplir, avec dix ou vingt ans de retard sur nos principaux partenaires. Nicolas Sarkozy semble bien décidé à "faire le job", comme disent les Anglo-Saxons. Mais il lui faudra, pour réussir, être capable d'affronter sans faiblir des oppositions dures tout en faisant preuve d'une grande force de conviction et d'un sens aigu de la communication. En quelque sorte, il devra être à la fois Margaret Thatcher et Tony Blair : c'est dire si la tâche s'annonce difficile...
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