S'il est un domaine dans lequel la "rupture" ne s'est pas encore produite, c'est bien celui de l'information. En témoignent les commentaires qui ont accompagné ces derniers jours, tout spécialement sur les ondes publiques, les disparitions de Mgr Lustiger et de Henri Amouroux : des commentaires que l'on peut qualifier de "désinformations sélectives", tant ils cherchent, en braquant le projecteur sur un seul des aspects d'une personnalité, à en occulter l'œuvre essentielle.
En ce qui concerne le très grand serviteur de l'Eglise que fut Jean-Marie Lustiger, pas une ligne n'a manqué pour nous rappeler ses origines juives, sa conversion pendant la guerre et sa volonté légitime de ne jamais oublier qui il était ni d'où il venait. En revanche, bien peu de paragraphes pour expliquer ce que fut sa mission la plus importante : faire revenir dans le droit chemin, à la demande du Pape Jean-Paul II, une Eglise de France en pleine dérive gauchisante, en commençant par l'évêché de Paris. Cette dérive inquiétait beaucoup le Pape, qui en avait pris la dimension dès son premier voyage en France, en 1980 : l'attitude hostile d'une partie de l'épiscopat et la scandaleuse liturgie de la grand-messe du Bourget l'avaient convaincu qu'il fallait "remettre de l'ordre dans la maison". Dès janvier 1981, il nommait en urgence – l'intéressé n'était évêque d'Orléans que depuis un an – Mgr Lustiger à la tête du diocèse de la capitale. En 25 ans, dans une période de déchristianisation, celui-ci allait créer six paroisses nouvelles, lancer Radio Notre-Dame et la chaîne de télévision KTO, faire échouer en 1984 l'agression socialiste contre l'école libre, assurer en 1997 le triomphe des JMJ de Paris, rappeler inlassablement et sans concession les positions doctrinales de l'Eglise, s'imposer à la fois comme un grand intellectuel et comme une personnalité médiatique de premier plan. Un bilan et une proximité avec Jean-Paul II que ne lui a jamais pardonné l'aile progressiste de l'épiscopat français, ce qui explique sans doute que Mgr Lustiger n'ait jamais été élu président de la Conférence des Evêques de France. Et explique aussi le voile pudique jeté sur la réalité de son action par une grande partie des médias.
Même méthode en ce qui concerne Henri Amouroux. Oubliées, ces sommes historiques indépassables que furent "La vie des Français sous l'Occupation" et "La grande Histoire des Français sous l'Occupation" ; oubliée, sa carrière journalistique qui allait tout-de-même le porter à la tête de grands quotidiens comme Sud-Ouest et France-Soir ; non, il ne restait plus pour quelques commentateurs haineux, notamment sur France-Infos, que "l'homme qui témoigna à décharge au procès Papon", donc suspect de sympathies envers le régime de Vichy et la collaboration ! En omettant bien sûr de rappeler que des personnalités aussi peu soupçonnables de "vichysme" que Pierre Messmer ou Maurice Druon ont, elles aussi, déposé en faveur de Maurice Papon. Il est vrai qu'oser, comme le fit Henri Amouroux dans ses livres, étudier cette période douloureuse sans manichéisme et avec le sens des nuances qui devrait caractériser tout historien, est déjà pour certains une inacceptable provocation…
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