Dans quel pays étrange vivons-nous ! Voici qu'un projet de loi sur l'immigration intègre un amendement très simple : permettre à l'étranger de bonne foi qui sollicite un regroupement familial d'accélérer la procédure en recourant à une méthode infaillible pour prouver la filiation, les tests ADN. Une technique simple et sûre, déjà utilisée sans problème par onze pays démocratiques européens. A priori, sous réserve de quelques garanties éthiques et juridiques, no souçaï, comme disent les ados.
Eh bien non, pas chez nous ! Ici, c'est le tollé ! Les grandes (?) consciences de gôche s'indignent ! BHL s'étrangle ! Des sénateurs cacochymes - à commencer par Charles Pasqua, qu'on a connu mieux inspiré - évoquent l'eugénisme nazi pour expliquer leur refus (les expériences prouvant que l'ADN est porteur de l'information génétique d'un individu datent de 1950, 1952 et 1953...) ! Un ancien premier ministre de droite, par haine de l'actuel président de la République, en vient même à signer une pétition lancée par Charlie Hebdo et SOS Racisme ! Le Comité consultatif national d'Ethique s'émeut de la "présomption de fraude" qu'impliqueraient ces tests, alors qu'on sait que 30% à 80% des papiers d'état civil provenant de certains pays africains sont des faux ! Certains déplorent que l'Etat "ne demande pas la même chose aux Français", alors que, jusqu'à preuve du contraire, ces derniers sont ici chez eux et n'ont pas à faire venir leur famille de l'étranger ! Résultat : le malheureux amendement ressort du Parlement étrillé, vidé de sa substance et pratiquement inapplicable. Une belle démonstration de "rupture", une nouvelle fois avortée.
Et ce n'est pas tout : dans la foulée, la gauche déchainée s'en prend à une autre disposition du projet de loi, qui autoriserait sous conditions l'établissement de statistiques démographiques mentionnant les origines ethniques, actuellement interdites et réclamées par de nombreux démographes. Devançant le mouvement, le ministre de l'Education, Xavier Darcos (1) vient de faire supprimer toutes les rubriques concernant la nationalité et l'origine des élèves dans le fichier national "Base Elèves", actuellement en cours d'élaboration. Reconnaissons d'ailleurs à la gauche une belle logique dans son action : elle fait d'abord tout pour qu'aucune régulation de l'immigration ne soit possible, puis elle s'emploie à ce qu'on ne puisse surtout pas mesurer les conséquences de cette politique. Circulez, y'a rien à savoir !
Certains, pourtant, voudraient savoir. Dans un article révélateur, Le Monde du 5 octobre analyse le livre du sociologue Robert Castel La Discrimination négative : citoyens ou indigènes ? (Le Seuil). L'auteur réclame lui aussi des "statistiques ethniques", mais pour mieux démontrer que les "jeunes de banlieue" responsables des émeutes de 2005 ne sont que des "adolescents issus de l'immigration maghrébine et subsaharienne postcoloniale", et donc victimes des mêmes discriminations qu'auraient subies leurs pères et leurs grands-pères, les "indigènes" de nos anciennes colonies.
Une telle démarche, s'inquiète Le Monde, pourrait "susciter des questions embarrassantes". Et de donner un exemple : "Pourquoi diable les populations d'origine vietnamienne, pourtant "ex-indigènes" elles aussi, n'apparaissent-elles jamais dans ce sombre tableau ?" C'est vrai, ça, pourquoi ? Et Le Monde d'en conclure : "Où l'on constate qu'un certain "racialisme", même bien intentionné, risque de déboucher sur la stigmatisation des hommes et des femmes qu'il prétend émanciper". Circulez, vous dit-on...
(1) Bien décevant rue de Grenelle, monsieur Darcos. Surtout pour ceux qui connaissent ses convictions de droite, fièrement revendiquées en privé. Ses reculades successives seraient-elles dues à la présence dans son cabinet, en charge de la communication, du journaliste Jean-Luc Mano, ex-militant communiste qui fit ses premières armes à L'Humanité ?
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