Disons-le tout net : c'est un texte scandaleux que viennent de publier, au nom de la Conférence des Evêques de France, Mgr Olivier de Berranger, évêque de Saint-Denis et président de la Commission épiscopale pour la mission universelle de l'Eglise, et Mgr Claude Schockert, évêque de Belfort-Montbéliard et responsable de la Pastorale des migrants.
Passe encore que, s'en prenant au projet de loi sur l'immigration actuellement examiné par le Parlement, les auteurs de ce communiqué dénoncent "les mesures toujours plus restrictives prises à l'encontre des migrants", qu'ils interprètent comme "des concessions à une opinion dominée par la peur plutôt que par les chances de la mondialisation" (sic)... Ou qu'ils refusent tout encadrement supplémentaire du regroupement familial ou du droit d'asile, malgré les fraudes multiples qui les accompagnent.
Mais les bornes sont franchies lorsque les deux évêques signataires de ce texte écrivent : "Les chrétiens refusent par principe de choisir entre bons et mauvais migrants, entre clandestins et réguliers, entre citoyens pourvus de papiers et d'autres sans papier" ! Autrement dit, nos éminences, en mettant sur le même plan immigrés légaux et clandestins, se moquent comme de leur premier missel du respect des lois républicaines, et cautionnent, même sans le dire ouvertement, les actes de "désobéissance civile" tant prisés par les associations d'aide aux sans-papiers.
Ce faisant, ils vont directement à l'encontre des instructions du Vatican sur le sujet. Dans un message publié en 2004 à l'occasion de la 90ème Journée Mondiale du Migrant, le Pape Jean Paul II invitait certes au dialogue et à la solidarité entre nations riches et immigrés, mais il rappelait à ces derniers qu'ils devaient "respecter l'identité culturelle et les lois des pays d'accueil" ; une position réaffirmée peu après par Mgr Agostini Marchetto, Secrétaire du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en déplacement. Or, parmi ces lois, les premières à respecter sont évidemment celles qui régissent l'entrée et le séjour des étrangers concernés.
Ce dérapage n'est, hélas, guère surprenant lorsqu'on connait la personnalité et les hauts faits de son principal inspirateur, Mgr de Berranger. Evêque de Saint-Denis depuis 1996, celui-ci a multiplié ces dernières années les déclarations et les actes de soutien aux immigrés clandestins.
- En 1998, son activisme en faveur des sans-papiers lui vaut d'être pris à partie par Jean-Pierre Chevènement, ministre socialiste de l'Intérieur, qui l'accuse de "faire le jeu du Front national".
- En août 2002, il s'élève contre l'évacuation par les forces de l'ordre de l'église parisienne Saint-Jacques-Saint-Christophe, à la Villette. Le curé de la paroisse, qui avait requis l'intervention de la police, expliquait à l'époque : "Pour moi, les catholiques ne pouvaient pas être pris en otage plus longtemps ; pour lui, il était avant tout nécessaire de soutenir les sans-papiers". Quelques jours après, les sans-papiers en question prennent au mot l'évêque et envahissent la basilique de Saint-Denis. Deux semaines plus tard, à l'issue d'un entretien orageux avec Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, et tout en affirmant qu'il ne fera "jamais appel aux forces de l'ordre", Mgr de Berranger acceptera de demander aux occupants d'évacuer la cathédrale qui, dira-t-il, a "joué son rôle".
- En avril 2003, il co-signe un texte s'alarmant des "insuffisances du projet de loi sur le droit d'asile".
- En novembre 2003, il fait imprimer par son diocèse des milliers de cartes de voeux, signées de sa main, pour souhaiter aux musulmans "une bonne fête de l'Aid-el-Fitr" à l'occasion de la fin du ramadan. On attend toujours la moindre réciprocité de la part du Conseil Français du Culte Musulman à l'occasion de Noël ou de Pâques...
- En mars 2006, il siège aux côtés de Mgr Gaillot dans un comité de soutien au référendum organisé par la municipalité communiste de Saint-Denis en faveur du droit de vote et d'éligibilité des étrangers.
- En avril 2006, il qualifie d'"injureux" le terme d'immigration "subie" employé par Nicolas Sarkozy qui affirme vouloir lui substituer une immigration "choisie". A propos du slogan "La France, il faut l'aimer ou la quitter", il s'écrie sur RTL : "Là, c'est le Sarkozy que je n'aime pas !" Au passage, il s'en prend également à Philippe de Villiers, qui estime l'islam incompatible avec la République, et déclare que le président du MPF, "qui se brocarde (sic) comme catholique, ferait bien de revoir son catéchisme" !
Certes, les évêques de France ont toute liberté pour donner leur point de vue sur l'actualité et sur la politique du gouvernement de leur pays ; de même, il est logique qu'ils abordent le difficile dossier de l'immigration avec dans le coeur la compassion et la charité dues aux plus malheureux et aux plus démunis. Mais cela peut-il faire oublier à certains d'entre eux les ravages causés chez nous par des flux migratoires depuis trop longtemps incontrôlés ? Pourquoi ne voient-ils pas - ou refusent-ils de voir - que de nombreuses institutions (éducation nationale, logements sociaux, santé publique...) souffrent aujourd'hui des graves conséquences de cette politique ? Pourquoi refusent-ils d'admettre que la France, comme disait Michel Rocard, "ne peut accueillir toute la misère du monde", et que continuer ainsi ne ferait qu'aggraver des tensions ethniques et sociales déjà exacerbées ?
Quoi qu'il en soit, on attend avec impatience la réaction des autorités, tant politiques que religieuses, à ce texte effarant. Sans trop d'illusions...
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