Et si, contrairement à ce qui a été écrit ou énoncé ici et là, le verdict que vient de rendre la Cour d'assises de Périgueux, au lieu de "relancer le débat sur l'euthanasie", y mettait provisoirement un terme ? En condamnant le docteur Laurence Tramois à la peine minimum (un an de prison avec sursis sans inscription au casier judiciaire) et en acquittant l'infirmière Chantal Chanel, ce jury populaire vient de démontrer, après bien d'autres, que la justice savait doser ses décisions en tenant compte des circonstances médicales, humaines et morales qui entourent à chaque fois ces douloureuses affaires.
C'est d'ailleurs ce qu'a semblé vouloir dire le docteur Tramois, en déclarant que ce verdict était "juste" et qu'elle "l'assumait". Son attitude contrastait avec celle des partisans de l'euthanasie "active" qui tentaient une nouvelle fois, à coup de pétitions et de manifestations, de relancer la thèse d'une légalisation "nécessaire". Or les audiences ont plutôt renforcé la position des adversaires d'une telle légalisation, pour trois raisons.
1) D'abord, il existe depuis avril 2005 un texte, la loi Leonetti, qui autorise l'arrêt des traitements pour éviter l'acharnement thérapeutique et permet l'administration aux mourants de médicaments anti-douleur en doses massives, même si de telles doses risquent d'accélérer le décès.
2) Ensuite, il est apparu évident que, plutôt qu'une légalisation généralisée de l'euthanasie, le corps médical était demandeur d'un effort des pouvoirs publics en faveur des soins palliatifs, pour lesquels la France est nettement en retard. "Une personne âgée et gravement malade, expliquait un médecin à la radio, si elle souffre atrocement toutes les nuits, demande chaque matin à mourir. Si vous pouvez lui administrer un traitement anti-douleur efficace, elle acceptera de partir paisiblement, à son heure, sans que le personnel soignant ait à accomplir des gestes qui vont contre l'éthique médicale, sans parler des convictions religieuses de certains".
3) Enfin, il est clair qu'une légalisation de l'euthanasie risquerait d'ouvrir la porte à bien des abus, des familles pouvant souhaiter "hâter" la fin d'une personne âgée pour des raisons qui n'auraient rien à voir avec la compassion... Il peut sembler choquant ou cynique de rappeler cela, mais il suffit de discuter avec des notaires ou des avocats pour se persauder que cette réalité-là existe bel et bien. A contrario, le fait de savoir que les auteurs ou instigateurs d'actes d'euthanasie peuvent être traduits devant les Assises, quitte à être acquittés ou condamnés à des peines de principe, est une garantie contre de telles dérives.
Ces procès sont aussi, en fin de compte, positifs pour ceux qui sont jugés. Après le verdict de Périgueux, Laurence Tramois et Chantal Chanel vont pouvoir reprendre leurs activités sans que personne y trouve à redire, et c'est une bonne chose. Qu'en serait-il, pour elles et pour tous les membres du corps médical impliqués dans des affaires semblables, si la justice ne les absolvait pas officiellement et si un doute susbsistait sur les motivations de leurs actes ?
Pour toutes ces raisons, et aussi parce qu'un texte de loi, qui fixe une règle générale applicable à tous, n'est pas adapté pour traiter des cas individuels tous différents les uns des autres, la légalisation de l'euthanasie apparait comme à la fois inutile et dangereuse. C'est ce qu'a bien compris le "Collectif pour une médecine de vie", créé par l'infirmière et écrivain Elisabeth Bourgois, dont la pétition a déjà recueilli près de 15 000 signatures (www.medecinedevie.com).
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