Ce week-end, à Berlin, l'Europe fêtera le cinquantième anniversaire du Traité de Rome. Une Europe en panne, une Europe en crise, une Europe dont nul ne sait comment relancer la machine. Il suffit d'ailleurs d'étudier les propositions sur ce sujet des principaux candidats à la présidentielle française pour s'en convaincre.
Ségolène Royal et François Bayrou formulent - une fois encore - un diagnostic quasiment identique : les Français ont commis une faute en rejetant il y a deux ans le projet de Constitution européenne, ils doivent réparer leur erreur en adoptant par référendum un nouveau texte reprenant les principales dispositions de l'ancien, qu'ils avaient d'ailleurs appelé à approuver. Nicolas Sarkozy se veut plus pragmatique et semble mieux prendre acte du "non" de 2005, puisqu'il propose de faire approuver par le Parlement un "traité simplifié" reprenant seulement les dispositions institutionnelles du projet VGE qui étaient acceptées par tous : encore faudrait-il préciser lesquelles... Quant à Jean-Marie Le Pen, il se verrait bien renégocier un "nouveau traité de Rome" fondateur de l'Europe des nations.
Tous ces projets ont un point commun : ils ne s'intéressent qu'à l'aspect institutionnel de l'Union européenne. Et un défaut commun : ils ne redonnent aucun contenu à l'Europe, ne lui proposent aucun grand dessein apte à remobiliser des énergies et à enthousiasmer comme jadis les peuples qui la composent. Pourtant, les sujets dignes de justifier l'existence et l'action de l'Europe, les dossiers qui ne peuvent plus être traités au seul niveau des états-membres existent bel et bien. Contentons-nous d'en citer quelques-uns.
1) L'Europe, on le sait, souffre d'une grave déficience démographique, et ne fait plus assez d'enfants pour simplement renouveler ses générations, même si la France (essentiellement en raison d'une fécondité plus forte de sa population immigrée) fait davantage illusion. Face à cette situation préoccupante, les instances européennes, à commencer par la Commission, ne voient qu'une solution : faire encore plus appel à l'immigration, alors que, un peu partout en Europe, l'importance des flux migratoires actuels déstabilise les sociétés et provoque une véritable crise identitaire. Pourquoi l'Europe ne jetterait-elle pas les bases d'une grande politique nataliste à l'échelle du continent, et ne consacrerait-elle pas une part de ses immenses ressources à aider les états-membres à financer les mesures concrètes d'une telle politique : salaire parental pour celui des parents qui ferait le choix de ne pas travailler pour élever ses enfants, libre choix du mode de garde pour les mères qui travaillent, construction de crèches en entreprise, etc ? Etant bien entendu que ces aides ne sauraient constituer un nouvel appel d'air à l'immigration, et seraient strictement réservées aux ressortissants européens.
2) Si la mondialisation est une réalité, ses excès et ses défauts en sont également une. L'abolition des frontières commerciales, mesure sans doute positive entre des nations ou des régions du globe ayant atteint des niveaux comparables de développement économique et social, devient dramatique entre des pays connaissant de trop fortes disparités monétaires, éthiques, salariales ou environnementales. Pourquoi l'Europe se refuse-t-elle, par une politique douanière et commerciale active, à protéger les intérêts des nations qui la composent face aux importations de pays qui sous-payent leurs salariés, font travailler des enfants ou des détenus politiques, laissent filer leur monnaie ou ne respectent aucune règle anti-pollution ? Bruxelles pourrait sur ce plan prendre exemple sur les Etats-Unis d'Amérique : ce serait plus intelligent que d'empêcher au nom de la concurrence la constitution de grands groupes industriels européens, ou de freiner le retour de la croissance par une politique monétaire restrictive...
3) Autre cheval de bataille que pourrait enfourcher avec succès une Europe digne de ce nom : la politique environnementale. La pollution ne s'arrêtant pas aux frontières, les nations européennes auraient tout intérêt à coordonner au niveau supra-national leurs efforts en ce sens : diminution des gaz à effet de serre, disparition progressive des sacs en plastique et remplacement par des matériaux bio-dégradables, utilisation massive des bio-carburants, promotion d'une agriculture moins consommatrice d'engrais chimiques et de pesticides...
D'autres terrains concrets sur lesquels pourrait refleurir l'idée européenne existent certainement. Mais encore faut-il qu'existe aussi la volonté politique de les trouver et de les exploiter. Ce qui ne dispensera pas non plus de réfléchir ultérieurement à la meilleure forme d'organisation politique de cette Europe, en n'oubliant pas de réaffirmer et ses racines chrétiennes et ses limites géographiques. Mais il est probable qu'alors ce débat-là intéressera les peuples. Tandis qu'aujourd'hui...
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