C'est donc demain que "l'arbitre" François Bayrou rendra sa décision en donnant sa consigne de vote pour le second tour. Sauf coup de théâtre, il n'en donnera pas : son positionnement à la fois anti-droite et anti-gauche de ces dernières semaines lui permet difficilement, sauf à se renier publiquement, de choisir un camp plutôt que l'autre. Et ce non-choix va faire apparaître en pleine lumière l'impasse dans laquelle se trouve désormais le Béarnais et dans laquelle il a entrainé ses électeurs à l'issue de ce qu'il faut bien appeler un "vrai-faux succès".
Vrai succès, car réaliser 18,5% des voix dans un scrutin marqué par une participation historique, alors que les premiers sondages situaient le candidat UDF aux alentours de 6% (son score de 2002), constitue une incontestable percée, qui situe le centre à un niveau qu'il n'avait plus connu depuis la présidence Giscard.
Faux succès, car il ne traduit pas l'émergence d'une force politique cohérente reposant sur un électorat majoritairement soudé par un corpus idéologique ou programmatique commun. Si on les examine de près, ces 18,5% sont en fait constitués par l'amalgame hétéroclite d'au moins quatre électorats différents :
- une authentique base centriste, d'inspiration européiste et démocrate-chrétienne, plutôt tentée par l'alliance traditionnelle avec la droite ;
- un grand nombre de sympathisants socialistes, tendance DSK, plus que réticents devant l'inconsistance de la candidate choisie par leur parti ;
- un certain nombre d'électeurs de droite, sensibles à la forte campagne de "diabolisation" menée contre Nicolas Sarkozy, campagne dont l'hebdomadaire Marianne s'est fait le zélé porte-parole ;
- d'anciens électeurs de Jean-Marie Le Pen en 2002, qui ont vu en Bayrou un candidat "anti-système" plus fréquentable et plus jeune que le président du FN (une catégorie notamment bien représentée en Alsace).
Devant un tel éclectisme, on comprend que le patron de l'UDF préfère se réfugier derrière l'adage "Nul n'est propriétaire de ses voix" plutôt que de donner une consigne dont il est clair qu'elle ne serait suivie que par une minorité de ses partisans. Mais ce "fourre-tout" qu'est désormais son électorat rend également très aléatoire la tentative d'autonomie parlementaire annoncée dès hier par son entourage, à savoir la présentation en juin de candidats UDF dans les 577 circonscriptions législatives. Les députés UDF sortants, dont certains l'ont déjà quitté, ont en effet tous été élus grâce aux voix de droite dans le cadre d'une alliance avec l'UMP, et ne sont pas certains de retrouver leurs sièges s'ils ne doivent compter que sur leurs propres forces. D'autant plus, comme on vient de le voir, que ces forces sont très hétérogènes et extrêmement volatiles...
Compte tenu de sa non-qualification pour le second tour de la présidentielle, qui risque de l'écarter pour cinq ou dix ans de la magistrature suprême en cas de victoire de Sarkozy, c'est donc aux élections législatives que sonnera l'heure de vérité pour François Bayrou. Qu'il se retrouve au soir du 17 juin sans groupe parlementaire et avec des électeurs dispersés aux quatre vents, et son beau résultat du 22 avril ne serait alors qu'un lointain souvenir...
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