Tout bouffi de son importance nouvelle, plus suffisant et donneur de leçons que jamais, François Bayrou n'a donc, comme on pouvait s'y attendre, donné aucune consigne de vote pour le second tour. Les lecteurs de ce blog connaissent les vraies raisons de ce non-choix, à savoir l'incapacité du Béarnais à unifier l'électorat hétéroclite qui s'est porté sur son nom le 22 avril pour des raisons de circonstance (lire la note précédente). Mais, en bon centriste qu'il est, M. Bayrou n'a pu faire les choses dans la franchise et dans la clarté. Il s'est ainsi efforcé de faire comprendre, tout au long de sa conférence de presse, où allait son coeur et où irait son bulletin de vote du 6 mai, que ce soit en acceptant la rencontre proposée par Mme Royal (Jean Peyrelevade, conseiller de Bayrou, a pourtant qualifié d'"obscène" la danse du ventre pratiquée par Ségolène pour séduire les centristes), ou en comparant publiquement Nicolas Sarkozy (qui n'est cependant ni homme d'affaires ni propriétaire de médias) à Silvio Berlusconi. Toute la presse a d'ailleurs noté que Bayrou a réservé ses attaques les plus rudes et les plus personnelles au représentant de la droite, faisant montre d'une indulgence complice à l'égard de la candidate socialiste.
Du côté de Nicolas Sarkozy, on pouvait craindre que la nécessité d'élargir son électorat au second tour ne pousse le président de l'UMP au ramollissement, au reniement ou à l'oubli de certains des thèmes "droitiers" qui avaient fait son succès du premier tour. Force est de constater, notamment après avoir entendu lundi soir son premier discours de campagne à Dijon, qu'il n'en est rien. Même s'il affirme vouloir faire preuve d'"ouverture d'esprit", il refuse tout "marchandage politicien", promet à ses électeurs du 22 avril qu'il "ne les trahira pas" et, comme pour en administrer la preuve, énumère à nouveau tous les points forts de son programme, respect de l'identité nationale, rétablissement de l'autorité et renouveau de la valeur travail en tête.
C'est que Sarkozy, en plus d'être - contrairement à ce qu'il est de bon ton d'affirmer - un homme possédant un certain nombre de convictions, est aussi un politique qui sait compter. Et il a sans doute déjà vu depuis dimanche soir, alors que tout le monde s'extasiait devant le score de Bayrou, que ses réserves naturelles de voix pour le second tour se trouvaient en fait à droite, même si l'apport d'une partie des suffrages centristes n'est pas à négliger.
Un simple calcul suffit à le démontrer. Selon plusieurs enquêtes d'opinion, l'électorat de François Bayrou ne se reporterait que pour un tiers au mieux (certains disent même un quart) sur Nicolas Sarkozy, ce qui représente au maximum 2,5 millions de voix. Les mêmes enquêtes montrent que l'électorat de Jean-Marie Le Pen envisage de voter le 6 mai pour Sarkozy dans une proportion de 75 à 80%, soit au minimum 2,8 millions de voix, auxquelles il faut ajouter les suffrages recueillis par Philippe de Villiers (plus de 800.000) et Frédéric Nihous (plus de 400.000) qui se reporteraient dans leur quasi-totalité sur le président de l'UMP. Au total, ce sont donc 4 millions de voix de droite qui pourraient venir sur son nom le 6 mai, pour peu qu'il ne les déçoive pas et continue de développer un programme et d'annoncer des mesures concrètes qui répondent à leurs préoccupations et à leurs inquiétudes.
Gageons que Nicolas Sarkozy, s'il continue de suivre cette ligne droite et nette, trouvera la victoire au bout du chemin. Et qu'alors les pitoyables numéros de Ségolène avec l'eurocrate Jacques Delors, avec l'ex-gaucho devenu bobo Daniel Cohn-Bendit ou avec sa Bayrou(e) de secours seront vite oubliés. Pour le plus grand bien de notre pays.
NB : Revenant sur ses premières déclarations de dimanche, Philippe de Villiers a appelé hier soir les 810.000 électeurs qui se sont portés sur son nom au premier tour à voter pour Nicolas Sarkozy. "Je ne ferai pas la politique du pire car je refuse depuis toujours les alliances électorales contre-nature et parce que je me suis toujours opposé à la gauche et à l'extrême gauche", a-t-il déclaré dans un communiqué. "Malgré les différences évidentes qui existent avec le programme du président de l'UMP, je ne peux pas souhaiter pour la France cinq nouvelles années du socialisme le plus archaïque. Fidèle à mes convictions, j'invite les Français à faire le choix de la droite et de Nicolas Sarkozy pour barrer la route à la gauche." Voilà qui tranche avec les fourberies bayrouistes et qui prouve, s'il en était besoin, que le président du MPF fait toujours passer en premier le sens de l'intérêt général et national.
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