A une semaine du premier tour, tous s'interrogent sur ce que sera la performance réelle de Jean-Marie Le Pen. Ce dernier affirme qu'il est au moins à 20% et sera présent au second tour, et Nicolas Sarkozy laisse entendre aux journalistes que c'est de ce côté-là, et non pas de chez François Bayrou, que peut encore venir une véritable surprise.
Si le résultat appartient aux seuls électeurs, l'objectif, lui, a bien été défini par le président du Front national, qui a effectivement fixé la barre à 19-20%. Et ce pour trois raisons.
1) Pour sa dernière campagne présidentielle, il entend quitter la scène sur un succès incontestable, même s'il a peu de chances de figurer cette année au second tour. Or, en 2002, les scores additionnés de Le Pen (16,8%) et de Mégret (2,3%) dépassaient tout juste les 19%. Atteindre un niveau identique ou supérieur, malgré le positionnement résolument "droitier" de Nicolas Sarkozy, serait pour le FN et son leader un résultat extrêmement positif.
2) Même si le moindre éparpillement des voix, notamment à gauche, et le réflexe de "vote utile" dès le premier tour rendent beaucoup plus difficile l'accès au second tour, un score de 20% pourrait permettre à Le Pen de rééditer le "coup" de 2002, dans le cas - nullement à exclure - de l'effondrement de la candidate socialiste dans la dernière ligne droite.
3) Dans tous les cas de figure, un tel pourcentage dans de telles circonstances traduirait un fort enracinement du Front national dans la vie politique française, garantirait un bon résultat pour ses candidats aux élections législatives, ainsi que la nécessité pour la droite parlementaire de revoir à terme son attitude vis-à-vis de la droite populiste. Un tel climat permettrait en outre à Jean-Marie Le Pen d'organiser sereinement sa succession à la tête du FN, probablement en faveur de sa fille Marine.
Mais tout ceci présuppose que le leader du Front national atteigne bel et bien l'objectif qu'il s'est fixé. Or, pour l'instant, les enquêtes d'opinion le situent plutôt aux alentours de 13-15%, en même temps qu'elles donnent Nicolas Sarkozy à 28-30%. Mais ces mêmes enquêtes indiquent également que 4 à 5% des électeurs de Le Pen de 2002 s'apprêteraient à voter pour Nicolas Sarkozy dès le premier tour de dimanche prochain. D'où les efforts manifestes du chef du FN pour les récupérer, et pour substituer ainsi à l'actuel rapport 30% Sarkozy / 15% Le Pen un rapport 25 / 20, nettement plus favorable pour toutes les raisons énumérées ci-dessus.
Or récupérer ces électeurs perdus implique de les convaincre sans les froisser, et trouver le ton juste n'est guère facile. D'où les attitudes très changeantes de Jean-Marie Le Pen vis-à-vis de Nicolas Sarkozy, qu'il traite un jour de "candidat de l'immigration" auquel il s'oppose violemment en tant que "candidat du terroir", avant de reconnaître le lendemain qu'il est "un homme avec lequel on peut discuter", pour mieux le désigner le surlendemain comme "chef" et "emblème" de la "racaille politicienne". Le président de l'UMP lui offre d'ailleurs peu de prise, ne répondant ni à ses attaques ni à ses insultes tout en affirmant prendre en compte les préoccupations de ses électeurs.
Jean-Marie Le Pen peut-il gagner son dernier grand pari ? Réponse dans une semaine, mais retenez bien ce chiffre : au-delà de 19%-20%, il enregistrerait un succès qui marquerait durablement la vie politique française. Plus encore, probablement, que sa présence au second tour en 2002.
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