Finement dosé, raisonnablement ouvert et très présidentiel : tel se présente le premier gouvernement Fillon - ou plutôt le premier gouvernement Sarkozy - nommé ce matin. Finement dosé, car des promesses difficiles à honorer ont finalement été tenues : une équipe resserrée, puisqu'elle ne compte comme prévu que quinze ministres, auxquels s'ajouteront les secrétaires d'Etat (dont quatre déjà nommés) ; une équipe paritaire, avec huit hommes et sept femmes ; et enfin une équipe "ouverte", puisqu'elle comporte un ministre venu de la gauche (Bernard Kouchner, exclu ce jour même du Parti socialiste) et un représentant bayrouiste de l'UDF (Hervé Morin, jugé plus fiable que Maurice Leroy, cf. ma note précédente).
L'ouverture, dont on nous avait tant rebattu les oreilles ces derniers jours, tient donc plus du symbole - mais ils sont importants en politique - que de l'arrivée en masse de transfuges de la gauche. Et ce d'autant plus que les deux principales personnalités qui la représentent sont nommées à des postes relevant directement du "domaine réservé" du chef de l'Etat, qu'il s'agisse de Kouchner aux Affaires étrangères (et de son secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet, lui aussi venu du PS) ou de Morin à la Défense. Cette tutelle présidentielle sera d'autant plus présente que Nicolas Sarkozy a annoncé son intention de créer, sur le modèle américain, un Conseil national de Sécurité, dirigé par l'ancien ambassadeur de France à Washington Jean-David Levitte, rassemblant responsables diplomatiques et militaires et dépendant directement du Président de la République ! Cela n'enlève évidemment rien à toutes les réserves que peut inspirer la nomination d'un Bernard Kouchner (cf. ma note précédente), mais relativise considérablement l'autonomie dont il disposera au sein du gouvernement : ce serait d'ailleurs la raison essentielle pour laquelle Hubert Védrine, autre socialiste initialement pressenti pour ce poste, l'aurait finalement refusé.
Quelques mots sur les femmes présentes au sein de ce gouvernement. Beaucoup sont de grande valeur, et leur nomination est de bon augure. A commencer par Rachida Dati, dont Sarkozy et Fillon ont eu l'intelligence de ne pas faire la "beurette de service" en lui confiant un ministère "communautaire" ; en la nommant à la Justice, poste difficile pour lequel elle a heureusement été préférée à l'ingérable Philippe Seguin, ils mettent en avant ses compétences et, mieux que son intégration, sa totale assimilation au sein de la République française : l'anti-Azouz Begag, en quelque sorte. On peut également se réjouir de la présence de Christine Boutin, si souvent en pointe dans le combat pour la défense de la famille et des valeurs chrétiennes, de Christine Albanel ou encore de Christine Lagarde. On est bien sûr moins enthousiaste de retrouver comme ministre l'ébouriffante Roselyne Bachelot, qui doit à l'exigence de parité et à ses bonnes relations avec François Fillon un maroquin inespéré : mais le pire a été évité, puisqu'elle n'a pas été nommée porte-parole du gouvernement...
Deux regrets pour conclure. D'abord pour déplorer qu'il n'y ait aucun ministère officiellement en charge de la Famille, alors que le candidat Sarkozy avait affirmé à plusieurs reprises durant sa campagne qu'elle restait la cellule fondamentale de la société ; ensuite pour constater qu'aucune personnalité représentant les sensibilités "souverainiste" et "libérale" de la majorité présidentielle - on pense à Philippe de Villiers, Jérôme Rivière, Gérard Longuet, Hervé Novelli, Jean-Michel Fourgous ou Olivier Dassault - n'a été promue. Dans les deux cas, espérons que la future liste des secrétaires d'Etat, qui devrait être complétée après les élections législatives, réparera ces oublis.
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