Il y a quelque chose de dérisoire à entendre ces jours-ci la gauche et le centre pleurnicher face à la probable "vague bleue" qui devrait donner dans la prochaine Assemblée nationale une forte majorité à l'UMP et à ses alliés de la mouvance présidentielle. A en croire MM. Hollande et Bayrou, une fois de plus sur la même longueur d'ondes, la France est aujourd'hui menacée d'une pseudo-dictature sarkozienne, même si le chef de l'Etat multiplie à l'envi les démonstrations d'ouverture et de tolérance. En face, les gémissements ne font que redoubler : "Il a déjà tout, il veut plus que tout !", s'écrie avec sa modération habituelle Arnaud Montebourg, tandis que le choeur des pleureuses redouble sur les estrades et les plateaux de télévision : "Il faut des contre-pouvoirs ! Pitié ! Laissez-nous quelques députés... A vot'bon coeur, mesdames et messieurs les électeurs..."
Dérisoire. D'abord parce que c'est demander aux Français de se déjuger à un mois d'intervalle, en n'élisant pas les 10 et 17 juin une majorité parlementaire capable de mettre en oeuvre le projet présidentiel qu'ils ont massivement approuvé le 6 mai ! Un projet dont ils apprécient d'ailleurs encore plus massivement, si l'on en croit les sondages, les premières mesures et les premières prises de décision. Nous ne sommes pas pour rien au pays de Descartes, et il est logique que les électeurs confirment lors des deux dimanches qui viennent le choix qu'ils ont fait en portant Nicolas Sarkozy à l'Elysée.
Dérisoire. Ensuite et surtout parce que cette logique-là est celle voulue hier par ceux qui risquent d'en être demain les principales victimes. Réclamée à l'époque par le centre et la gauche, c'est-à-dire par MM. Giscard d'Estaing, Bayrou et Jospin, acceptée on ne sait trop pourquoi par Jacques Chirac, la réduction à cinq ans (soit la même durée que le mandat des députés) du mandat présidentiel accompagnée de l'adoption d'un calendrier prévoyant que l'élection présidentielle précèderait immédiatement les élections législatives, ne pouvait que conduire au résultat que l'on observe aujourd'hui : amener les électeurs à donner au président qu'ils viennent d'élire une majorité conforme à ses voeux. Comme ce fut le cas dans le passé - en 1981 et 1988 - lorsqu'un président fraîchement élu ou réélu procéda à la dissolution de l'Assemblée. Le PS et le Modem ne font donc que nous rejouer, sans grand talent et sans y croire eux-mêmes, le célèbre sketch de l'arroseur arrosé.
Sauf bouleversement inimaginable, Nicolas Sarkozy aura donc sa majorité parlementaire. Et, paradoxalement, je pense que c'est le caractère massif de cette majorité qui permettra son pluralisme. En effet, une majorité faible, qui n'a à l'Assemblée que quelques voix d'avance sur l'opposition, est condamnée à l'obéissance absolue, sinon au monolithisme. Alors qu'une majorité nombreuse peut se permettre le débat, la discussion, voire l'apparition de courants d'idées qui, tout en respectant la discipline majoritaire, rappellent à l'exécutif la nécessité de tenir les promesses faites aux électeurs.
Car l'essentiel est là : l'usage que le nouveau pouvoir fera de sa majorité. Encore une fois, rien ne permet de mettre en doute le fait que "ce qui a été dit avant sera fait après", pour paraphraser une des phrases favorites du chef de l'Etat, et son interview d'hier au Figaro est tout-à-fait rassurante sur ce point. Mais il ne sera pas inutile, dans les cinq années difficiles qui s'annoncent, d'avoir à l'Assemblée des femmes et des hommes capables de veiller à ce que le cap soit tenu, et même d'aiguillonner le pouvoir exécutif s'il venait un jour à manquer de courage, d'audace ou d'imagination. Et peu importe, au fond, leur étiquette, pourvu qu'ils soient résolument et sincèrement de notre camp !
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