Le pire n'est jamais sûr. Une rumeur inquiétante courait ces dernières semaines dans les milieux d'affaires, selon laquelle Arnaud Lagardère avait accepté sans protester son limogeage de la co-présidence du conseil d'administration d'EADS, le 16 juillet (cf. ma note du 17 juillet), en échange de l'assurance que les enquêtes ouvertes sur les délits d'initiés ne déboucheraient sur rien en ce qui le concerne. Or le rapport préliminaire de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF), révélé ce matin par Le Figaro, le met gravement et directement en cause. Aux côtés d'autres dirigeants et actionnaires d'EADS, notamment Noël Forgeard et le groupe DaimlerChrysler, il est présenté comme partie prenante d'un délit d'initié "massif", ayant consisté à vendre la moitié de la participation de son groupe dans EADS après avoir eu connaissance des sérieux problèmes posés par la fabrication de l'A 380, qui allaient entraîner ultérieurement, une fois rendus publics, l'effondrement du cours de l'action EADS.
Transmis au Parquet de Paris, le rapport de l'AMF va maintenant nourrir l'instruction ouverte parallèlement par la Justice. On voit mal les principaux protagonistes de ce scandale échapper à une mise en examen et à un procès retentissant, dans lequel ils encourent chacun 2 ans de prison et 15 millions d'amende. Pour Arnaud Lagardère, déjà "lâché" par Nicolas Sarkozy qu'il présentait volontiers comme son "frère" (cf. mes notes du 17 juillet et du 3 juin), le danger est encore plus grand : il risque bel et bien, compte tenu de l'ampleur prévisible du scandale en cas de condamnation, d'être débarqué de la présidence du groupe qui porte son nom, ou plutôt celui de son père. D'autant que la Justice pourrait s'intéresser prochainement à la façon dont il a obtenu l'an dernier de la Ville de Paris la concession de la Croix-Catelan, dans le Bois de Boulogne, en évinçant le Racing Club de France, dans les lieux depuis 120 ans... (voir sur ce sujet l'excellent dossier présenté par "Le Perroquet Libéré", dont l'adresse figure ci-contre dans la rubrique "mes sites préférés", et ma note du 25 juin).
Le 3 juin 2007, citant la célèbre phrase d'Arnaud Lagardère parue un an plus tôt dans Le Monde ("J'ai le choix entre passer pour quelqu'un de malhonnête ou d'incompétent (...). J'assume cette deuxième version."), nous écrivions ici même : "Le tout est de savoir si les deux hypothèses sont vraiment incompatibles..." Le rapport de l'AMF fournit aujourd'hui un début de réponse. Il souligne en effet que Lagardère et DaimlerChrysler, lorsqu'ils vendent le 4 avril 2006 chacun 7,5% du capital d'EADS, choisissent le mécanisme de la vente à terme : l'opération n'aura lieu qu'en 2007, pour bénéficier de nouvelles mesures fiscales plus avantageuses, mais sur la base des cours de 2006 ! Ce qui, relèvent à juste titre les enquêteurs, "témoigne d'une anticipation par les deux actionnaires d'EADS d'une baisse future du cours", et donc renforce encore la présomption de délit d'initié. Comme quoi, pour peu que les suites de l'affaire confirment les accusations de l'AMF, on peut être à la fois incompétent ET malhonnête !
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