C'est quand même le constat essentiel de cette soirée du 22 avril 2007 : en recueillant plus de 31% des voix dans un scrutin marqué par un taux record de participation, Nicolas Sarkozy, après s'être positionné nettement à droite et avoir mené campagne sur des thèmes résolument droitiers, après avoir été l'objet de campagnes de "diabolisation" comparables à celles lancées contre Le Pen entre les deux tours de 2002, a réalisé le meilleur score d'un candidat de la droite parlementaire au premier tour de l'élection présidentielle depuis 1974 (où Giscard avait obtenu 32,6%) ! Comme quoi sa stratégie visant à "décomplexer le droite" était la bonne.
Cette stratégie est d'ailleurs la seule qui ait permis d'amorcer le retour au sein de la droite parlementaire des électeurs - près d'un million sont ainsi revenus dès ce premier tour - qui l'avaient désertée depuis des années pour passer au Front national. Sans insulter le FN et en prenant en compte certaines attentes de ses sympathisants, Sarkozy l'a ramené à ses résultats électoraux d'il y a vingt ans. Avec 10,5% des voix et près de 4 millions de suffrages, Jean-Marie Le Pen obtient un résultat certes non négligeable, et ses électeurs pèseront encore lourd au soir du 6 mai. Mais la forte participation, l'âge de son candidat et la stratégie Sarkozy ont sérieusement entamé le capital du Front, comme pourraient le confirmer les prochaines élections législatives.
Avec ses 18,5%, Bayrou peut certes se targuer d'avoir porté le centre à son plus haut niveau. Mais pour en faire quoi ? Ses précédentes déclarations l'empêchent quasiment d'apporter un soutien franc et massif à Royal ou à Sarkozy, alors que l'immense majorité de ses députés a besoin d'un accord électoral avec l'UMP pour se faire réélire. Les jours qui viennent risquent fort animés au sein des instances dirigeantes de l'UDF...
En face, Ségolène Royal a bénéficié de la peur de la gauche d'être à nouveau éliminée du second tour, ce qui explique davantage que ses qualités personnelles son bon score de 25,7%. Mais ses réserves à l'extrême-gauche sont faibles, environ 11% au total. A ce sujet, il faut noter que tous les représentants verts et trotskistes ont immédiatement annoncé leur ralliement à la candidate socialiste, lançant publiquement la stratégie du "Tout sauf Sarkozy", alors qu'en face on joue au plus fin en tentant de faire monter les enchères sous prétexte qu'"on n'est pas propriétaire de ses voix". A commencer par Philippe de Villiers, qui a pourtant réalisé un 2,4% fort honorable dans ce contexte, et dont la plupart des électeurs ne lui pardonneraient pas de ne pas donner dans les deux semaines qui viennent une consigne de vote claire et nette contre la gauche.
Car la partie n'est pas gagnée, même si la droite part favorite pour le second tour. Sarkozy a bien entamé cette nouvelle campagne, par une intervention montrant qu'il entend rassembler et rassurer sans pour autant renoncer aux thèmes qui furent les siens ces dernières semaines. Il a de plus bénéficié de la comparaison avec sa rivale, qui mit plus d'une heure à prendre la parole après lui pour ânonner un discours aussi creux sur le fond que calamiteux sur la forme. La présence de Ségolène Royal au second tour est sans nul doute un atout pour son adversaire. Certains, dans le camp socialiste, attendent d'ailleurs manifestement sa défaite, et pas seulement Eric Besson, qui vient d'annoncer son ralliement à Sarkozy. A propos, quelqu'un a-t-il vu DSK sur un plateau de télévision ce dimanche soir, à part une laconique apparition sur France 2 ? Il est des silences qui en disent long...
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