Convenons-en : si souvent trompé et trahi, le "peuple de droite " - auquel l'auteur de ses lignes revendique haut et fort son appartenance - est traumatisé. Il a tant de fois, ces vingt dernières années, vu un pouvoir élu par lui soit faire la politique de ses adversaires, soit renoncer, sous la pression de la rue, à faire la politique voulue par ses électeurs, soit même faire alternativement l'un et l'autre. On peut donc le comprendre lorsqu'il s'impatiente, ou lorsqu'il croit discerner derrière une concession purement tactique un nouvel abandon.
Cette distinction entre manoeuvre et reculade mérite pourtant d'être effectuée, tant elle est importante pour comprendre l'action de Nicolas Sarkozy et du gouvernement de François Fillon. La différence est simple : si l'on peut éviter une mobilisation massive de la rue contre un projet de loi "difficile" et le faire adopter - sans rien céder sur l'essentiel - en en négociant certaines modalités, il s'agit simplement d'une méthode classique de négociation. On arrive à la table de discussions avec des positions de départ très dures, et tout le "jeu" consiste à donner à ses adversaires quelques motifs de satisfaction vis-à-vis des médias ou de leurs propres troupes, du "grain à moudre", comme disait jadis le fondateur de Force Ouvrière, André Bergeron, tout en sauvegardant le coeur du contenu du texte en question.
Ainsi faut-il analyser ce qui s'est passé, par exemple, autour du projet de loi sur l'autonomie des universités. L'objectif profond de cette réforme était de doter les établissements universitaires d'organes réels de direction et leurs présidents de pouvoirs étendus : ce but sera atteint, puisque les conseils d'administration seront réduits de moitié (de 60 membres actuellement, ils passeront de 20 à 30 selon la taille de l'université), les élus représentant les syndicats ne seront plus à même d'en paralyser le fonctionnement, et les présidents pourront librement mettre leur veto sur tout recrutement qui ne leur conviendrait pas et recruter directement des contractuels hors du monde universitaire, notamment en entreprise. Le tout grâce à une réelle autonomie administrative et budgétaire, génératrice d'émulation entre les établissements. Alors, peu importe que le nombre des représentants étudiants puisse être porté de 3 à 5, ou que la sélection en mastère - qui ne figurait pas dans le texte d'origine - soit réexaminée dans un autre projet à venir : tel quel, ce texte change réellement la donne. Les syndicats d'enseignants, plus madrés que leurs homologues étudiants, ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, et proclament toujours leur opposition résolue à la loi Pécresse : mais l'apparente bonne volonté de Nicolas Sarkozy leur a quelque peu coupé l'herbe sous le pied.
Quand, en revanche, l'essentiel d'un projet est en jeu, le président de la République a jusqu'ici marqué sa volonté de ne pas céder. Il l'a redit sur le service minimum dans les transports en commun, malgré l'opposition des syndicats au préavis de 48 heures et au vote à bulletin secret huit jours après le déclenchement d'un conflit. Il le prouve aujourd'hui sur la baisse des impôts : le centriste Charles de Courson ayant réussi à faire adopter par la Commission des Finances de l'Assemblée un amendement excluant la CSG et la CRDS du "bouclier fiscal", le gouvernement a immédiatement fait savoir que cet amendement ne serait pas conservé dans le texte final. Il est vrai que l'argument de M. de Courson ne manquait pas de sel : "Intégrer la CSG et la CRDS dans le bouclier fiscal, cela revient en fait à supprimer l'ISF", s'est-il exclamé ! "Je dirai tout avant pour tout faire après", martelait Sarkozy pendant sa campagne. Apparemment, il y a aussi de bonnes choses qu'on peut faire sans trop le dire...
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